Jack Parker, c’est un peu la Xena des Internets : elle vogue sur le Net telle une aventurière de l’égalité perdue et manie sa souris avec plus de dextérité que Jessica Jones. Vague après vague, elle a embrassé le féminisme pour aujourd’hui en être l’une de ses plus fidèles défenseuses(.com) !
Tu as certainement entendu son nom, cet alias derrière lequel elle se cache, cet avatar fait de graphies que l’on associe à sa notoriété sur le Web. Jack Parker travaille comme rédactrice et autrice depuis sept ans maintenant. Internet, c’est un peu son ter-ter, elle s’y exprime comme elle respire. Monarque en ses sites, elle anime un blog sur le cinéma d’horreur, raconte et analyse ses teen movies préférés sur ikilledtheteendream.com, te parle de règles sur Passion Menstrues et de son quotidien sur son Tumblr. Son engagement se lit. Au cœur de tous ses récits, elle développe un point de vue féministe et militant. En 2014, elle partage dans une tribune une agression qu’elle a subite, et réagit avec dignité et pédagogie à l’assaut de trolls qui lui sont tombés dessus. Mais surtout, et c’est ce qu’il faut retenir, elle a reçu de nombreux messages de soutien en réaction à ce témoignage important, qui aide à comprendre et chercher des solutions à la culture du viol, omniprésente dans nos sociétés.
Après une expérience professionnelle heureuse chez MadmoiZelle, où elle a été rédactrice en chef adjointe fut un temps, la jeune femme prend ses valises en 2013 pour vivre la vie de nomade du World Wide Web (fonction aussi connu sous le titre moins glamour de pigiste). Jack Parker trace sa route, œuvre pour différentes plateformes, sans jamais oublier son militantisme. Rencontre avec une guerrière de l’Internet, fière pourfendeuse de la Toile mondiale.
Le féminisme, c’est quoi pour toi ?
C’est extrêmement simple, pour moi c’est simplement une lutte pour l’égalité des genres qu’on appelle féminisme et pas humanisme parce qu’elle va d’abord s’occuper de la frange de la population qui morfle le plus, et que pour le coup il s’agit bien des femmes – encore plus lorsqu’elles sont racisées.
C’est un combat qui concerne tout le monde, et qui fera du bien à tout le monde, mais qui passe d’abord par une inclusion totale des femmes dans la société, peu importe leur couleur, leur apparence, leur statut social, leurs capacités physiques, leur religion, leurs choix de vie et tout ce qui va avec. Pour que chaque personne soit libre de faire ses propres choix, jamais par défaut ou par dépit, mais par envie, et qu’on parte tou-te-s plus ou moins avec les mêmes armes dans la vie.
Quelle fut ta rencontre avec le féminisme ?
Je ne saurais pas dire exactement comment ça a commencé, mais je sais juste qu’avant je faisais partie de ces femmes qui disaient ne pas aimer les femmes et je me revendiquais fièrement misogyne. J’allais même jusqu’à reposer un livre si je voyais qu’il avait été écrit par une femme parce que je ne les pensais pas capables d’écrire aussi bien que les hommes. Tout ça n’était évidemment lié qu’à la façon dont je me percevais moi-même en tant que femme et j’ai dû faire un petit bout de chemin dans ma tête et socialement pour sortir de ces vieux mécanismes-là.
Tumblr m’a énormément aidée, mine de rien. J’ai commencé à collectionner les blogs féministes dans un dossier de favoris et j’essayais de comprendre pourquoi des milliers de gens s’offusquaient tous d’un truc que je trouvais bidon. À force de fouiller, de lire, de me renseigner et surtout d’expérimenter moi-même toutes formes de sexisme à longueur de journée, ça a fini par s’imposer.
Quelles sont tes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités ?
Je suis une militante de l’ombre, j’ai encore un peu de mal à sortir de ma tanière pour diverses raisons. Du coup, j’ai plus tendance à relayer des voix plus actives que la mienne qu’à sortir dans la rue avec une pancarte. Ce qui ne m’empêche pas de faire des choses à mon échelle, puisque j’écris beaucoup sur le sujet à travers mes ressentis personnels et qu’on m’a souvent dit que ça avait permis à certaines personnes d’ouvrir les yeux.
Je milite virtuellement et dans mes conversations en soirée aussi. Je plante des graines et je croise les doigts pour que ça pousse. Souvent, j’ai des gens qui viennent me dire : « Tu fais chier, à cause de toi j’arrive plus à rire de telle ou telle blague » ou : « Je tique à chaque fois que j’entends “pd” ou “salope” maintenant alors que je les disais avant ». Ce sont mes petits moments de gloire.
Quel est le livre indispensable que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?
Si je dis mon Kindle avec mes 700 livres dedans, ça marche ? Sinon je pense que je prendrais La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. C’est le premier livre à m’avoir fait hurler de rire en public. Bon, au bout de quelques semaines de perdition je pense qu’il me ferait plus beaucoup marrer, mais au pire je m’en servirais pour alimenter le feu.
Être une femme au XXIe siècle, c’est comment ?
C’est moyen… Mais à côté de ce que ça a été, et vu que j’habite en France, j’estime quand même faire partie des privilégiées. Tout dépend de l’endroit où l’on naît et de l’environnement dans lequel on évolue, certaines sont mieux loties que d’autres. C’est globalement assez épuisant, il faut toujours être sur ses gardes, toujours encaisser des trucs, toujours se justifier, prouver sa valeur, physiquement, intellectuellement, ne pas tomber dans un archétype, ne pas être trop du côté de la vierge ou de celui de la putain, mais en même temps se battre pour qu’on arrête de juger ces positions.
Bref, c’est un numéro de funambulisme constant. Heureusement ça s’améliore, et ça va continuer de s’améliorer. Au final, on encaisse pour les générations à venir, qui encaisseront elles-mêmes d’autres trucs pour les générations suivantes, etc.
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