Femme libre au-devant de tous les combats, Tan est une battante qui n’a peur de rien et qui surtout, a le cœur sur la main. Avec son association Polyvalence, elle se consacre aux plus démuni-e-s, à ces invisibles auxquel-le-s elle redonne une voix et l’occasion de passer enfin quelques petits moments de bonheur.
Tan est anthropologue et sexothérapeute. Fondatrice de l’association Polyvalence, la jeune femme se démène au quotidien afin de soutenir celles et ceux qui en ont le plus besoin. Les causes sociales font partie de sa vie de tous les jours, jusqu’à rythmer complètement son existence.
Depuis le mois de septembre, deux collectes de « vêtements, chaussures, tentes, sacs de couchage, bûches de bois, ainsi que de la nourriture et des produits d’hygiène » ont été organisées par Polyvalence pour les migrant-e-s et réfugié-e-s de Calais qui vivent dans des conditions de vie intolérables. Une cagnotte a aussi été créée pour financer ces collectes, subvenir aux besoins des habitant-e-s des camps, et notamment aider les femmes et les enfants sur place. La situation est si précaire et changeante que l’utilité de l’argent varie selon les événements :
Les conditions de vie dans les camps sont désastreuses. Nous considérons que l’attention doit être portée sur les personnes qui vivent dans ce lieu, et non sur le lieu en lui-même. Il est indispensable de défendre ces gens et leur dignité, plus encore à un moment où les autorités ont entrepris de supprimer de manière systématique, zone par zone, les seuls espaces qui y proposent un peu d’humanité collective : infirmerie, centre juridique, école, théâtre…, nous a expliqué Tan.
Aujourd’hui, le manque de moyens se fait plus que jamais sentir et l’urgence humanitaire est bien réelle. Un pot commun est disponible pour épauler ces combattant-e-s de l’ordinaire afin qu’ils et elles se procurent un local et du matériel. Cela facilitera le travail sur le terrain et leur permettra d’être bien plus efficaces.
Ce pour quoi se bat Tan est actuel, ce ne sont pas des faits révolus, mais bien la réalité dans laquelle nous vivons en 2016. Ses appels à l’entraide et à la charité doivent être entendus et répétés chaque jour. Des préoccupations humanitaires, qui sont aussi les nôtres. Polyvalence œuvre à l’élaboration, la collecte et la diffusion de paroles, témoignages, réflexions et échanges tout en restant dans l’action en organisant des événements participatifs. « Solidarité, partage, émancipation, égalité entre les personnes, et la lutte contre les violences et l’isolement » sont les maîtres-mots du combat que portent ses membres, et de celui de Tan, bien évidemment.
Le féminisme, c’est quoi pour toi ?
Le choix. La liberté. La liberté de choix. Le choix de la liberté, etc. Voilà, dans n’importe quel sens, c’est libre, au choix !
Quelle fut ta rencontre avec le féminisme ?
J’ai été élevée par des féministes, donc c’est ma rencontre avec le sexisme qui est sans doute un point plus intéressant à développer pour comprendre pourquoi j’ai pris le chemin du militantisme et de l’activisme. C’est le fait d’être privée d’une liberté que je pensais évidente qui m’a fait ruer dans les brancards.
La théorie, si on réfléchit un peu, on ne peut pas vraiment être contre. Le fait de proposer que les femmes et les hommes soient égaux, égales, bon, peu importe comment on l’écrit, je ne vois pas très bien comment on peut s’y opposer. Alors on prend les armes, on s’indigne, on crie beaucoup et puis quand on se rend compte de ce que ça veut dire, concrètement, d’être privé-e de sa liberté, on a envie de crier bien plus fort, parce que là on passe à la pratique, on découvre l’injustice, on ressent tous ces mots et ces concepts dont on pensait maîtriser la définition, et on passe à l’étape d’après.
Quelles sont tes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités ?
Lutter pour la liberté. Je ne veux pas lutter contre quoi que ce soit, je veux lutter pour que les gens soient heureux. C’est complètement niais, mais c’est vraiment ce que je me dis. Il y a trop de gens malheureux, des femmes, des hommes aussi. Il y a des passerelles entre les individu-e-s. On ne soigne pas une épidémie en traitant une personne et pas celle à côté. Il faut s’occuper de tout le monde, pas seulement des copains, pas seulement des copines, pas seulement des gentil-le-s qui souffrent, parce que les méchant-e-s qui les font souffrir, ça n’existe pas, ça ne marche pas comme ça.
Les gens ne sont pas une somme de critères permettant de les ranger du bon ou du mauvais côté. Alors je pense qu’il faut être bienveillant, même si ce mot ne veut plus rien dire tant il a été tartiné partout, et réussir à se détacher de son point de vue. C’est un exercice difficile. Parfois on a la flemme d’être intelligent-e. Voilà, alors mes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités, c’est de ne pas avoir la flemme de faire des efforts pour aider et de ne pas se décourager devant l’apathie et encore moins devant l’injustice. Et en plus de ça, si possible, proposer, agir, créer.
Quel est le livre indispensable que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?
L’Attrape-cœurs, de Salinger. Parce que c’est mon livre préféré. Je le conseille à toute personne qui passera par ici. Et je conseille surtout de le lire en anglais, parce que la traduction n’est pas terrible, je ne sais pas trop pourquoi. Je ne sais pas si c’est un livre féministe. Pas particulièrement. Mais pas non-féministe non plus. C’est un livre merveilleux.
Être une femme au XXIe siècle, c’est comment ?
Pour moi ? C’est très bien, je m’en sors, je suis prête à puiser dans mes ressources pour aider les autres. Pour d’autres, si on fait des statistiques, ça a l’air très compliqué. Il y a mille et une raisons et ça doit être terrible de penser que la seule vie qu’on a est difficilement supportable. Alors il faut s’accrocher aux personnes qui peuvent aider. Il y en a, je sais le faire, ça. Je suis là.
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Image de Une : © Alexandra KD
Un grand merci à toutes les femmes interviewées qui ont accepté très rapidement de répondre à nos questions ! Et comme il faut bien s’auto-féliciter de temps en temps – surtout quand on fait un travail titanesque en peu de temps et sur le rare que nous avons de libre : merci à Louise Pluyaud et Sophie Laurenceau pour leur aide précieuse, leur relecture et édition toujours précise et perfectionniste.