Artiste polymorphe et performeuse atypique, Alexandra Velasco jongle avec les images comme le peintre joue avec les couleurs. Son art, inspiré de ses rêves et empreint de valeurs humanistes, redonne à la matière une autre symbolique. Entre ses mains, des chutes de tissus, des photos, du papier s’assemblent pour délivrer un seul et unique message : celui de l’émancipation féminine.
Alexandra Velasco est une vidéaste et plasticienne aujourd’hui installée à Los Angeles. Née au Mexique, elle retient de sa ville natale, Mexico, un certain esprit de liberté qui lui sert au quotidien, tout particulièrement dans son travail. Comme avec son dernier projet, #relaxitsonlyflesh – qui consiste à peindre sur le dos de vestes en jean vintage une poitrine de femme nue –, elle ne limite jamais son art aux supports qui sont à sa disposition, n’hésitant pas à prendre des risques en des terres qui lui sont inconnues. À travers ses productions et ses différents moyens d’expression – de la peinture au collage, en passant par le happening –, Alexandra Velasco crée et imagine des installations aux messages forts, pour que les femmes puissent redevenir maîtresses de leur image.
Actuellement, l’artiste travaille à l’élaboration d’un film dont le sujet sera le trafic des femmes au Mexique. Pour Alexandra Velasco, l’idée est toujours plus importante que la façon de la transmettre. Au cœur de son œuvre, toujours les mêmes thèmes. Elle y combat les préjugés et les normes imposées par la société, et donne à voir le corps féminin de manière non sexualisée, alors que cela est très souvent le cas. Son art lui permet d’enlever les cloisons d’un monde paralysé par des codes et laisse à chacune et chacun le loisir de s’aventurer au-delà.
Le féminisme, c’est quoi pour toi ?
C’est de ne pas être effrayée de faire autre chose que ce que les gens attendent de toi. Le féminisme, c’est dire ce que tu ressens, te battre pour ta sécurité, ta tranquillité et le fait de simplement « exister » en tant que femme.
Quelle fut ta rencontre avec le féminisme ?
Il n’y a pas eu de rencontre précise. C’est venu petit à petit, certainement à force d’observer ma mère. Elle a travaillé dur toute sa vie et s’est occupée de ma sœur et moi, elle a gagné son pain pour nous, quand d’autres personnes ne le pouvaient pas. Elle est brillante et nous a donné tout ce qu’on a pu lui demander. Même si ça la blessait ou rendait sa vie plus compliquée, elle le faisait.
Quelles sont tes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités ?
Je ne suis ni une militante ni une battante. Je suis une rêveuse et une créatrice. Je lutte contre les inégalités à travers mon art. Je veux raconter des histoires sur des femmes qui ont une voix mais qui n’ont pas en leur possession la plate-forme pour l’exprimer, des femmes à qui l’on a fait du tort, qui ont été violées ou agressées, dénigrées ou bafouées à cause de leurs différences ou simplement parce qu’elles étaient elles-mêmes.
Todo Vale La Pena Al Final (Everything is Worth it at the End), performance live d’Alexandra Velasco, juillet 2014, à Mexico. Comme souvent, l’artiste met en scène le corps féminin, nu, afin de montrer sa tangibilité. Elle explore le rapport à ce dernier, à la chair, en essayant d’ôter toute perception dictée par la société, celle d’un objet sexualisé qui serait soi-disant à la portée de tous.
Au quotidien, j’essaye d’être quelqu’un de bien. J’aide les gens qui en ont besoin, j’essaye d’écouter quand quelqu’un me le demande, de le réconforter s’il le faut. Je fais en sorte d’être équitable avec mon partenaire et de ne pas tomber dans les rôles préconçus des relations hétérosexuelles.
Quel est le livre indispensable que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?
Un guide de survie ou Demian, de Hermann Hesse.
Être une femme au XXIe siècle, c’est comment ?
Aucune femme ne vit la même situation. Certaines sont plus libres, peuvent dire qu’elles poursuivent leurs rêves, alors que d’autres sont renvoyées à une vie de servitude et de conformité. En tant que femme – assez chanceuse d’être née à Mexico, dans une famille libérale qui m’a apporté tous les outils nécessaires pour réussir –, mon boulot consiste à œuvrer pour créer un monde où mes congénères peuvent dire « non » quand elles le souhaitent, mais également « oui ». Où elles peuvent marcher dans la rue en toute sécurité ou simplement être chez elles. Être moi et être toi sont deux états différents, mais en ce qui me concerne, être une femme au XXIe siècle signifie que je dois toujours être préparée à tout ce qui peut me tomber dessus, et être prête à courir.
Image de une : © Camila Saldarriaga