Hawa N’Dongo, 24 ans, est étudiante en master de Science politique, parcours « Diversités, discriminations et représentations », à Paris VIII. Son nom, s’il t’est peut-être encore inconnu, est pourtant celui d’une véritable porte-parole de l’égalité. Choisie comme « modèle féminin » pour la troisième édition de W(e)Talk, la jeune femme a bien voulu nous parler de son féminisme et de ses actions militantes.

 

Ce qui caractérise Hawa N’Dongo, c’est sûrement son énergie sans faille, qui lui permet de lutter sur plusieurs fronts. Rédactrice pour le média La Zep (pour Zone d’expression prioritaire), elle est aussi engagée au sein du collectif Arrêtez de nous mettre dans vos cases, qui cherche à faire entendre la voix des jeunes sur des sujets les concernant, à commencer par l’image qu’on leur renvoie :

Vos clichés ne reflètent pas notre jeunesse. Nous, les jeunes, nous sommes des fainéants, des délinquants, nous ne savons que nous amuser, nous sommes instables et bons à rien, nous devons suivre la voie que la société trace pour nous, sinon nous sommes pointés du doigt. Stop ! La jeunesse est une ressource et non un problème. Nous ne voulons plus être jugés sur notre CV, notre manque d’expérience ou notre lieu de résidence. 

Toujours en mouvement pour lutter contre les multiples formes de discrimination, la jeune femme de confession musulmane est l’initiatrice de la pétition « Tous unis contre la haine du gouvernement », dans laquelle elle demande à ce que Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, soit sanctionnée pour des propos faisant (entre autres) l’amalgame entre esclavagisme et port du voile. Au mois d’octobre 2016, elle représentera également la France en Malaisie pour la 4e Conférence internationale de leadership pour la jeunesse. Sur sa page Facebook, on peut d’ailleurs lire :

Ces dernières semaines, les médias se sont acharnés à débattre autour du voile des musulmanes et à les présenter comme des femmes oppressées qu’il faudrait libérer. Je suis ravie d’avoir été choisie pour représenter la France, sans être jugée sur mon apparence mais sur mes qualités. Je finirais en vous disant de croire en vos rêves, vous pouvez accomplir et devenir tout ce que vous souhaitez. Ne laissez jamais la société vous définir car nos différences sont une richesse.

Croire en soi, en ses compétences et en ses qualités, tel est le leitmotiv de Hawa N’Dongo. Au cours du W(e)Talk Event 2016, qui s’est déroulé le samedi 21 mai à Paris, nous avons eu l’occasion de parler féminisme avec elle, un mouvement intrinsèquement lié à son combat pour la liberté. Captivées par l’optimisme de cette jeune femme, par sa parole invitant à l’échange, nous sommes ressorties de cet entretien avec la certitude que nous pouvions toutes devenir actrices du changement.

 

Le féminisme, c’est quoi pour toi ?

C’est à la fois dénoncer les inégalités qui sont faites aux femmes, que ce soit dans leur vie sociale ou professionnelle, et lutter contre les discriminations qu’elles subissent en raison de leur apparence, leur appartenance religieuse, etc. Le féminisme, c’est aussi permettre à chaque femme de vivre sa vie comme elle le souhaite, sans que l’on porte atteinte à ses choix. Il défend les droits de toutes les femmes sans distinction, et valorise leur potentiel au sein de notre société.

 

Quelle fut ta rencontre avec le féminisme ?

Ma rencontre avec le féminisme s’est faite progressivement, je ne retiens pas un instant en particulier. Cependant, ma mère a joué un rôle déterminant. Elle m’a toujours dit que c’était important de faire mes choix de manière indépendante, peu importe ce qu’en disent la société et les gens, peu importe le fait que je sois une femme. Elle me répétait de ne jamais me mettre de limites, que tout était possible.

En grandissant, j’ai réalisé que les inégalités qui touchent les femmes peuvent avoir un impact dans chaque aspect de leur vie – social, professionnel et familial. Elles rencontrent tant de difficultés au quotidien, et leur légitimité est sans cesse remise en cause, notamment dans le monde du travail. Cela me révolte.

J’ai regardé des conférences TED (organisées par la Sapling Foundation, qui souhaite propager des « idées qui valent la peine d’être diffusées », ndlr) qui traitaient de ce sujet. Celle de Sheryl Sandberg, intitulée « Pourquoi nous n’avons que trop peu de femmes dirigeantes », m’a énormément ouvert les yeux. La directrice opérationnelle de Facebook y examine les raisons qui font que plus d’hommes arrivent au sommet de leur profession. Elle souligne que d’après des données, les femmes sous-estiment systématiquement leurs propres capacités.

J’ai vu cette conférence il y a des années, mais je m’aperçois chaque jour à quel point ce constat est toujours réel. Pendant longtemps, j’ai moi-même eu cette tendance à me dévaloriser. Aujourd’hui, quand j’entends l’une de mes amies qui a eu une proposition d’emploi me dire qu’elle ne va pas négocier son salaire, bien qu’elle soit diplômée d’un bac+5, car elle est déjà assez gênée qu’on lui propose un poste qu’elle pense au-delà de ses compétences, je me rends compte qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il est fondamental que les femmes cessent de se sous-estimer et soient conscientes de leurs capacités.

 

Quelles sont tes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités ?

Cela passe beaucoup par l’écriture, que ce soit des articles ou des textes de slam. J’aborde des thèmes liés au sexisme, comme la taxe rose, mais aussi au féminisme intersectionnel, qui propose une approche transversale des discriminations en faisant le lien entre sexe, race et classe sociale.

Un extrait du slam de Hawa N’Dongo lors du W(e)Talk 2016.

Dans cette lutte quotidienne, les réseaux sociaux constituent un outil essentiel puisqu’ils permettent de partager des informations, condamner des propos sexistes et racistes, et mettre en avant des initiatives.

Parallèlement, il est très important pour moi d’encourager les jeunes filles de mon entourage (ma petite soeur, mes nièces, mes cousines…) à prendre conscience de leurs qualités et de leurs capacités. Par exemple, certaines se brident quant à leur futur choix de carrière. Il faut leur rappeler qu’elles ne doivent pas se mettre de limites en raison de leur sexe, de leur couleur de peau, de leur statut ou de leur religion.

 

Quel est le livre indispensable que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?

L’Alchimiste, de Paulo Coelho. Je pense que même seul-e sur une île déserte, on peut découvrir sa « légende personnelle » et trouver son trésor.

 

Être une femme au XXIe siècle, c’est comment ?

Ça représente de nombreux défis. Il y a encore énormément de choses à améliorer dans notre société. Les disparités de salaire, le sexisme, les inégalités qui s’infiltrent jusque dans notre consommation, comme le démontre cette taxe rose… C’est d’autant plus difficile pour les femmes qui sont confrontées au racisme, car elles subissent une double discrimination. Malgré cela, je pense que nous avons toutes la possibilité de devenir des actrices du changement. Chaque femme doit prendre conscience de son potentiel, de ses talents. La société ne peut pas fonctionner sans nous, nous pouvons toutes y trouver notre place.

 


Tu peux suivre l’actualité de Hawa N’Dongo sur son blog ainsi que sa page Facebook.


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