En novembre 2015, les éditions la ville brûle publiaient un manifeste antisexiste adressé aux enfants, Ni poupées ni super-héros ! Un album engagé, joliment illustré, qui nous rappelle qu’il n’est jamais trop tôt pour parler d’égalité.

 

« Il existe tant de manières de dire le monde, et d’agir sur lui ! » Si les éditions la ville brûle sont surtout réputées pour leurs essais engagés (Anarchistes, d’Irène Pereira, Critique de la religion, d’Yvon Quiniou ou encore J’ai avorté et je vais bien, merci du collectif Les filles des 343), elles ont néanmoins une ligne éditoriale qui ne cesse de s’élargir, notamment en direction des plus jeunes.

Ainsi, la collection « Jamais trop tôt » propose aux enfants de plus de 3 ans des albums qui « ne tournent pas autour du pot ». En s’adressant à eux et à elles comme l’on s’adresserait à des adultes, ces livres « ne racontent pas d’histoire, ne proposent pas de récit, mais une suite de propositions qui permettent d’initier une discussion entre l’enfant et l’adulte qui lui lit le livre », explique l’éditrice Marianne Zuzula au site La mare aux mots.

L’un d’eux, On n’est pas des poupées, a fait parler de lui lors de sa publication en 2013. Écrit par Delphine Beauvois, enseignante et militante féministe, et illustré par Claire Cantais, il a été suivi un an plus tard par On n’est pas des super-héros.

Les deux étant épuisés, ils ont été réunis en 2015 en un seul ouvrage : Ni poupées ni super-héros ! Ce sont 56 pages, accessibles dès 4 ans, qui « [fournissent] aux enfants des outils pour être eux-mêmes, et non ce que les autres voudraient qu’ils soient ».

« Combattre les clichés, les comportements sexistes et les inégalités garçons-filles, c’est ce que je fais quotidiennement, aussi bien dans ma pratique professionnelle que dans mes activités militantes, commente Delphine Beauvois, également invitée sur le site La mare aux mots. Les stéréotypes de genre sont si profondément ancrés que les déconstruire dès le plus jeune âge est pour moi une priorité : les enfants sont, en fonction de leur genre, soumis à des injonctions très fortes, qui créent des inégalités, et ces inégalités en entraînant d’autres, les filles se retrouvent – ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres – pénalisées sur le marché du travail. »

La déconstruction des stéréotypes et l’affirmation de soi en dépit des injonctions de la société sont donc les mots d’ordre de cet album. Chaque double-page expose une affirmation, « une phrase qui claque » comme l’a résumé Catherine Mallaval dans Libération :

« Les garçons qui pleurent ne sont pas des fillettes. »

« Je serai peut être une maman… ou pas. »

« Les filles sages vont au paradis, et les autres où elles veulent. »

Au passage, quelques clins d’œil au mouvement féministe feront sourire les parents, même si l’idée n’est pas de faire plaisir aux un-e-s et aux autres, mais bien de susciter le dialogue au sein de la famille, laquelle intègre et transmet des automatismes propres aux sociétés patriarcales trop souvent. En fin d’ouvrage, des références historiques à celles et ceux qui ont fait avancer l’égalité des sexes – Simone de Beauvoir, Louise Michel, Pierre Bourdieu, Victor Hugo ou encore Virginia Woolf – rappellent que le combat pour l’égalité est bien plus âgé que les lectrices et lecteurs du livre.

L’ensemble est très joliment soutenu par les illustrations de Claire Cantais, un mélange de dessins, de collages et de photos. Elles donnent à cet album une véritable dimension d’objet d’art : « Je les ai traitées comme des tableaux indépendants, chaque double-page étant une petite histoire en soi », indique-t-elle à La mare aux mots. Avec des héroïnes et des héros très divers-e-s, la dessinatrice entend rappeler l’universalité du message. Vous l’aurez compris, Ni poupées ni super-héros ! est un livre à mettre entre toutes les mains, surtout les petites, pour que les enfants deviennent enfin « des super-égaux ».

Ni poupées, ni super-héros: mon premier manifeste antisexiste Couverture du livre Ni poupées, ni super-héros: mon premier manifeste antisexiste
La ville brûle
11/2015
56
Delphine Beauvois, Claire Cantais
15 €

Parce qu'il n'est jamais trop tôt pour lutter contre les stéréotypes, la collection «Jamais trop tôt» propose des albums qui ne tournent pas autour du pot. À l'arrivée pas de clichés, des clins d'œil au mouvement féministe qui feront sourire les adultes, et des héros et héroïnes malicieuses qui, au fil des pages, fourniront aux enfants des outils pour être eux-mêmes, et non ce que les autres voudraient qu'ils soient.