Hurlements, Gremlins 1 et 2, Small Soldiers, Les Looney Tunes passent à l’action… Derrière tous ces films, il y a un nom : celui de Joe Dante. Cinéphile inconditionnel, producteur et réalisateur américain inclassable, cet enfant terrible de Hollywood a réussi à imposer le film de genre là où on ne l’attendait pas. Pourquoi ? Parce qu’en mêlant l’horreur à la comédie, l’absurde à l’authentique, et en osant franchir les barrières du « politiquement correct », Joe Dante a donné aux scénarios les plus enthousiasmants leurs lettres de noblesse. 

 

On a tou-te-s la musique en tête. Elle nous revient comme une vieille rengaine familière, réconfortante. Et ces Furby machiavéliques qui s’amusent dans un coin de nos souvenirs, on se garde bien de les mettre à la lumière, de les mouiller, et on ne s’avise surtout pas, en aucun cas, de les nourrir après minuit. À l’instar d’autres réalisateurs cultes, Joe Dante a marqué à jamais, avec Gremlins, plusieurs générations. Trente-deux ans plus tard, le long-métrage produit par Steven Spielberg a toujours le même effet sur nous. Il semble témoigner d’une qualité de production singulière, si spécifique aux années 1980, plus libre de la supervision des studios. Un savant mélange de comédie familiale et d’horreur, saupoudré d’une orfèvrerie technique et d’une authenticité créative dans laquelle on retrouve toutes les manies et obsessions du réalisateur des Indiana Jones. D’ailleurs, c’est juste après la sortie du premier volet de Gremlins qu’a été créé le rating PG-13 de la MPAA (Motion Picture Association of America). Les œuvres de Dante et de Spielberg (avec Indiana Jones et le Temple maudit, 1984) sont tellement hybrides et inédites qu’il était à l’époque impossible de les classer dans des ratings déjà existants.

Lors d’un long entretien, Joe Dante a accepté de nous parler de sa carrière. De son parcours du combattant auprès des studios. De celui qu’il mène encore, fidèle à sa philosophie de cinéaste, pour créer des films honnêtes, stimulés par l’ardeur que seul-e-s connaissent les passionné-e-s. De son amour des dessins animés en passant par ses tendresses horrifiques, le réalisateur ne fait pas dans la quantité, mais bien dans la qualité. Derrière son désir de divertir un large public, il reste l’un des rares qui, bien que lié aux studios, a réussi à politiser son discours avec beaucoup de talent. D’ailleurs, qu’il s’agisse des Gremlins 1 et 2, de Hurlements, des Banlieusards ou des Looney Tunes passent à l’action, ses réalisations – indé ou non – n’ont pas si mal vieilli. Elles continuent d’être des œuvres insolites et contrastées.

Roger Corman, CGI, Jurassic World, censure, comédie, horreur, reboots… nous n’avons rien laissé de côté. Bienvenue dans le monde grand-guignolesque de Joe Dante.

 

Vous avez grandi dans les années 1950. Quels films de monstres et dessins animés aimiez-vous le plus ?

Quand j’étais gamin, nous n’avions pas de télévision, je devais donc aller au cinéma pour voir des dessins animés. J’attendais le samedi soir. À mes yeux, les meilleurs étaient ceux de Disney, puis les films de Warner Bros, ou encore Woody Woodpecker, Casper, Popeye… Mais aucun des derniers dessins animés cités n’était aussi bon que ceux de Disney et de Warner Bros.

 

J’ai lu que vous vouliez être dessinateur plus jeune. À quel point cela a-t-il influencé votre travail ?

J’ai passé mon enfance à regarder des dessins animés, et je me suis toujours imaginé que ma vie serait liée à ce domaine, qu’elle prendrait cette direction. Je passais mon temps à dessiner des BD et à inventer mes propres personnages et histoires. Et ce n’est que tard que j’ai réalisé que j’étais en quelque sorte en train de me préparer à l’idée de faire du cinéma. Parce que les cartoons ressemblent beaucoup aux films. Tu fais de la composition, du montage, du rendement. C’était une base solide pour moi quand j’ai commencé à réaliser des longs-métrages.

 

Pouvez-vous m’en dire plus sur l’époque où vous travailliez pour Roger Corman ? Qu’avez-vous appris sur le cinéma en côtoyant une telle figure ?

Monter des bandes-annonces pour lui s’apparentait à une forme d’entraînement, c’était comme faire des haïku cinématographiques. Tu dois prendre un film de 90 minutes et le condenser en 2 minutes 30. Il faut donc sélectionner les bons moments, éliminer ce dont tu peux te passer. Ça m’a appris à être sélectif. Quand j’ai tourné des films à petit budget, ça m’a aidé à savoir comment filmer une scène, à décider quel plan je pouvais me permettre de faire ou ne pas faire.

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Roger Corman et Vincent Price sur le tournage de La Chambre des tortures (1961). © DR

 

Les films à petit budget sont-ils plus fun à réaliser ? A-t-on besoin d’être plus créatif ou créative dans ce genre de cas ?

Ça demande de pouvoir agir sur-le-champ, de réagir plus rapidement. Le truc avec les productions à petit budget, c’est que tu n’as pas le temps d’observer et d’apprendre. Tu as besoin d’avoir un concept dès que tu arrives sur le plateau, de savoir exactement ce que tu vas faire. Et il faut improviser. S’il se met à pleuvoir, qu’un acteur ou une actrice est en retard ou ne vient pas, il faut tourner d’autres scènes dans l’urgence. Tu es dans l’obligation de résoudre des problèmes en permanence, et c’est un peu le concept même du cinéma finalement.

Avec les gros budgets, tu as plus de jouets avec lesquels t’amuser. Mais aussi davantage de temps pour te consacrer au projet et le réaliser. Quand tu as l’habitude de travailler vite, tu développes ton intuition. Si tu te lances dans un long-métrage typique et que tu passes une année dessus, il se peut donc qu’au moment où celui-ci est terminé, une sorte d’immédiateté ne soit plus présente.

 

Quelles sont les différences concrètes entre Hurlements et Les Looney Tunes passent à l’action, par exemple ?

Hurlements a été réalisé en vingt-huit jours, alors que le second a pris un an et demi (rires) ! Dans ce cas, la lumière au bout du tunnel est donc très loin.

Le premier a été fait pour une entreprise indépendante, ce qui signifie que peu de personnes te donnent des directives. À l’inverse, Looney Tunes était pour une grosse société qui avait beaucoup d’argent. Et les gens de cette boîte ne connaissaient pas vraiment l’univers des dessins animés. Ils n’en avaient pas grand-chose à faire, mais leur boulot consistait malgré tout à me fournir des instructions, donc il y a eu beaucoup de discussions, on va dire agitées, pour que je comprenne les raisons pour lesquelles ils voulaient que je fasse les trucs stupides qu’ils me demandaient. 

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Joe Dante sur le tournage des Looney Tunes passent à l’action (2003). © Warner Bros.

 

Du coup, quand on réalise un film comme Looney Tunes pour une grosse machinerie hollywoodienne, il faut se battre pour faire valoir ses idées ?

Oui, tu es bien obligé-e. Et pour tout te dire, tu as toujours besoin de te battre pour tes idées, peu importe pour qui tu travailles. Mais ça aide quand les personnes pour lesquelles tu bosses sont compréhensives. Tu gagnes beaucoup de temps. Car lorsque ce n’est pas le cas, tu passes tellement d’heures à débattre et à faire de la diplomatie… Tu perds de précieuses minutes, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ça s’étale.

 

Pensez-vous que le public européen est plus sensible aux films de genre que le public américain ? Je sais que c’est une question que l’on vous pose souvent, mais en tant que Française, j’avoue être intriguée.

Les Européens les prennent plus au sérieux, oui. C’est mon opinion. Les films de genre américains ont constamment été relégués au second plan. Même à l’âge d’or des films noirs, à la fin des années 1940, il s’agissait de productions à petit budget présentées en séance double, donc ils n’étaient pas vraiment bien considérés.

Avec le temps, les gens de ma génération, qui ont grandi avec ces films et la SF dans les années 1950, ont changé la donne. Nous, nous accordions de l’importance à ces longs-métrages. Et certain-e-s d’entre nous sont désormais critiques de cinéma ou réalisatrices et réalisateurs. Notre amour pour ces films se retrouve dans notre art. Et grâce à cela, ils sont devenus plus crédibles. Alors que nos parents avaient tendance à les mépriser.

 

Votre travail est considéré comme subversif. Pensez-vous que cela soit vrai ?

Je suppose que c’est aux autres de le dire. Je fais simplement mes films de la manière dont je pense qu’ils devraient être faits. J’essaye d’y mettre autant de moi-même que possible. Quoi qu’il en sorte, ça vient de ma psyché. Je suis attiré par les films antiautoritaires, qui questionnent l’autorité et sont assez anarchiques, car ils font partie de mes influences. Ceux que je regardais plus jeune étaient très anarchiques. Énormément d’œuvres cinématographiques des années 1950 l’étaient d’ailleurs. À mes yeux, l’anarchie est l’âme de la comédie, et le chaos la fondation.

Gremlins

Gremlins, réalisé par Joe Dante (1984). © Warner Bros.

 

Vos films traitent souvent de cette ligne rouge que les gens franchissent. Comme dans Les Banlieusards. Pourquoi est-il important pour vous d’aborder ce thème récurrent, ce tournant que peut faire prendre notre système capitaliste aux sociétés ?

Ce n’est pas comme si je l’avais prévu. Les projets arrivent, et j’y trouve de l’intérêt… ou pas. J’essaye de ne pas faire de film que je n’irai pas voir au cinéma. Donc si je ne peux pas m’identifier, sentir un lien avec le sujet, si je ne suis pas en mesure d’avoir une opinion, je ne suis probablement pas la bonne personne pour le faire.

 

Est-il possible de glisser un message politique dans un film soi-disant mainstream ?

C’est tout de même compliqué, car le public mainstream est souvent imperméable aux discours politiques. Il n’aime pas que l’on vienne prêcher dans son église. Il est plus simple de glisser un contenu engagé dans les films de genre.

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Les Banlieusards, réalisé par Joe Dante (1989). © Universal Studios

 

Pour autant, Gremlins et Les Banlieusards relaient indiscutablement un certain message, et ce sont des films assez familiaux.

C’est vrai. Il n’y a rien de mal à ça, je pense. Quand je faisais Small Soldiers, les gens qui le finançaient le voyaient comme destiné aux petit-e-s. Mais j’ai saisi l’opportunité de montrer aux enfants que ce n’est pas parce que les gens portent des uniformes que cela en fait de bonnes personnes. Et qu’avoir l’air un peu bizarre ne fait pas de vous un-e méchant-e. Ce n’est pas un si mauvais message pour les enfants.

 

Qu’est-ce qu’il reste aujourd’hui aux jeunes ? Jurassic World ? Les productions Marvel ? C’est assez triste quand on y réfléchit, non ? Est-ce que ce sont vraiment les seules options ?

Le problème, c’est que les gamin-e-s ne regardent pas beaucoup de films. Les nouvelles générations ont des lacunes. Certain-e-s n’ont jamais vu de films en noir et blanc, ce qui les éloigne d’une grande part de l’histoire du cinéma. Et tout ce qui a plus de cinq ou dix ans est franchement sans importance pour eux.

L’une des raisons pour lesquelles Jurassic World a été aussi rentable est l’énorme laps de temps qui s’est écoulé entre les originaux et celui-ci. Beaucoup de jeunes ont cru que c’était un nouveau film. Ils n’avaient jamais vu la saga Jurassic Park.

Jurassic Park, réalisé par Steven Spielberg, 1993. © Universal

Jurassic Park, réalisé par Steven Spielberg (1993). © Universal Studios

 

Croyez-vous que les blockbusters et l’abus de la CGI tuent quelque part la créativité ?

Je ne pense pas que la CGI impacte l’imagination, c’est un outil pour faire des images plus spectaculaires. Mais paradoxalement, ce qui est nuisible au cinéma aujourd’hui, c’est l’attente du spectaculaire. Cette overdose de spectacle visuel extraordinaire conditionne le public. Combien de films détruisent en détail des continents entiers ? Pourquoi pas, après tout ? Mais on a compris, on l’a vu, vous l’avez fait, alors maintenant, essayons quelque chose de différent.

Au lieu de ça, la technologie qui permet de pulvériser des immeubles semble plus utilisée que jamais, et les cinéastes ne paraissent pas pouvoir y résister. Ils et elles veulent juste détruire toujours plus d’immeubles (rires) !

 

Ne perd-on pas un peu de la symbolique des monstres qui se trouvait dans les vieux films, comme Godzilla, en refaisant des longs-métrages encore et encore ?

Non, je ne pense pas. Ils n’ont peut-être pas la pureté des originaux, mais je crois, cela dit, que les personnages en eux-mêmes portent un énorme bagage. Frankenstein a invariablement transmis le même message : c’est un homme qui s’est pris pour Dieu, et dont la créature n’aurait jamais dû exister. Il a un certain poids symbolique. La momie, quant à elle, se venge de la violation de sa tombe et de celle de ses ancêtres.

Godzilla, réalisé par Ishirō Honda, 1954

Godzilla, réalisé par Ishirō Honda (1954). © Tōhō

Les monstres restent significatifs, ils ont encore une énorme pertinence. Pour les ados, les vieilles versions doivent paraître démodées. Et c’est pour cela qu’elles ont été remises au goût du jour. Mais peut-être que ce processus a eu lieu trop souvent, d’où ton ressenti.

 

Si Gremlins sortait aujourd’hui, il ne recevrait certainement pas un PG-13, mais plutôt un Restricted, non ?

En fait, il a eu un PG à l’époque, mais les gens se sont plaints et le film a eu un nouveau rating, un PG-13. Cela signifie en gros que tu peux emmener tes enfants si tu le veux, mais qu’il n’y a aucune restriction et, bien sûr, que l’on peut se faire plus d’argent. Donc aujourd’hui, tout le monde s’efforce de l’obtenir, mais ce n’est certainement pas un gage de qualité. Ça veut simplement dire que l’on peut viser un public plus large.

 

Vous semblez préférer la comédie horrifique aux films d’horreur plus directs. Pourquoi ?

Je ne sais pas si c’est une préférence consciente. J’ai fait pas mal de films d’horreur. Je vois la vie d’une manière assez absurde. Pour moi, la comédie et l’horreur sont très proches et se complètent. Parfois, la comédie domine – c’est souvent le cas d’ailleurs –, et parfois non.

 

Mettre dans vos œuvres des extraits de vieux films d’horreur par exemple, c’est une obsession ou vous aimez juste les partager ?

J’aime ces films, ils font partie de mon enfance et ont fait de moi un réalisateur. Quand je traite de sujets horrifiques comme dans Hurlements, qui est mon premier film de loup-garou – et probablement le seul aussi –, j’ai besoin de montrer aux gens où il se situe dans la grande chronologie des films de loup-garou. Donc il y a beaucoup de références à des choses antérieures dans mes longs-métrages.

Hurlements, réalisé par Joe Dante, 1981

Hurlements, réalisé par Joe Dante (1981). © Avco Embassy Pictures

 

Est-ce difficile de savoir qu’un scénario est bon ?

En fait, il faut d’abord déterminer s’il est bon, et ensuite s’il est réalisable. Parfois, tu lis un scénario et tu te dis que c’est une histoire géniale sur le papier, mais tu n’es pas sûr-e que ce soit si bien à l’écran. Tu tentes d’imaginer son potentiel cinématographique et de savoir comment tu vas arriver à le mettre en scène. C’est difficile à concevoir à la lecture, et assez aventureux car tu dois prendre en compte tous les aspects.

J’ai déjà lu des scénarios pour lesquels je me suis dit : « Il est bien, mais je ne suis pas la personne pour le faire. » Et une fois réalisés par d’autres, ils se sont généralement avérés impeccables. Un film nécessite une sorte de champion-ne.

 

Le financement participatif a-t-il aidé le cinéma indépendant ?

Je pense que c’est une bonne alternative, mais que c’est bien plus compliqué que ce que s’imaginent la plupart des gens. Certain-e-s croient que cela consiste à faire un site et à asséner : « Donnez-moi de l’argent », mais ça ne marche pas comme ça. Il faut prévoir, offrir quelque chose aux donatrices et donateurs en échange de leur soutien. Des contreparties concrètes. Tu ne peux pas seulement te contenter de leur dire : « J‘ajouterai ton nom à la fin du film. »

Beaucoup de projets de financement participatif commencent bien et se retrouvent bloqués. Tu dois être en mesure de constamment mettre à jour ton travail et de donner envie aux personnes de revenir. J’ai moi-même utilisé ce procédé pour mon site Trailers From Hell il y a quelques années, et on a finalement eu beaucoup plus que ce que l’on avait demandé. Ça nous a beaucoup aidé. On est sur Internet depuis huit ans maintenant.

Pouvez-vous me parler un peu de ce projet très cool pour celles et ceux qui n’en auraient pas eu vent ?

Comme beaucoup de gens ne connaissent pas les vieux films et qu’ils n’ont pas vraiment l’opportunité qu’on leur en parle, on a décidé de les faire revivre. On ajoute à leur bande-annonce un commentaire audio de cinéastes connu-e-s, comme Guillermo del Toro ou John Landis. Ils et elles s’expriment sur les œuvres qui les ont marqué-e-s, sur leur carrière, ou encore sur les longs-métrages qu’ils et elles regardent avant de s’endormir…

On veut présenter aux jeunes gens des films qui ont influencé les réalisatrices et réalisateurs qu’ils connaissent, et qu’ils n’auraient jamais découvert-e-s autrement. Quand quelqu’un vient me voir pour me dire : « Je suis tombé-e sur une vidéo où tel-le cinéaste parlait d’untel ou untelle ; j’ai envie de regarder tous ses films maintenant », j’ai atteint mon but. C’est à ça que ça sert.

 

Pensez-vous que la génération de cinéastes et scénaristes actuelle a les mêmes opportunités que vous à l’époque où vous avez commencé à réaliser des films ?

Eh bien, c’est un milieu différent. Quand j’ai débuté, c’était une tout autre industrie. Beaucoup me demandent : « Comment as-tu fait pour te lancer ? » comme si savoir cela allait leur être utile. Mais ça ne l’est pas, car le monde que j’ai connu n’existe plus depuis longtemps. Il n’y a plus d’opportunités pour faire des films aussi facilement. À l’époque, tu avais juste à réaliser ton film et le sortir, et on se faisait tou-te-s de l’argent. Parce qu’il y avait un public qui attendait.

Gremlins, réalisé par Joe Dante (1984). © Warner Bros.

Gremlins, réalisé par Joe Dante (1984). © Warner Bros.

Tu sais, quand j’étais jeune, il y avait la radio, la télévision et les disques. C’était les seules choses dont tu pouvais profiter. Maintenant, tu as des centaines de médias, les jeux vidéo et tout un tas d’autres éléments qui détournent l’attention du public. Le cinéma n’est plus une part aussi importante de la vie des gens.

 

Donc si je suis votre raisonnement, c’est plus difficile de trouver des films originaux aujourd’hui ?

C’est dur, oui. Tout simplement parce que, pour parvenir à atteindre le marché du film, cela coûte plus d’argent. Les studios sont très effrayés à l’idée de faire quelque chose de nouveau. Ils préfèrent prendre un concept qui a déjà rapporté des sous une fois, des remakes ou des sequels, un récit que le public connaît. Pour ne pas avoir à expliquer au début de quoi l’on parle. Et à chaque fois qu’un film original sort et ne marche pas, par exemple À la poursuite de demain, ils se disent : « Et voilà ! Nous ne devrions pas faire des productions originales ! » Mais je suis convaincu de l’inverse, je pense que quelque chose de complètement nouveau peut marcher, il est indispensable que les studios aient envie d’investir dedans.

 

Un reboot de Gremlins, ça vous plairait ?

Je m’en fiche. Je n’ai rien à voir avec ça, je ne détiens pas les droits du film, d’autres personnes les possèdent. Donc si elles décident de faire un reboot, je leur souhaiterai juste bonne chance.

Gremlins

 

Vous avez attendu cinq ans entre The Hole (2009) et Burying the Ex (2014), pourquoi ?

Je n’ai pas attendu, je cherchais des financements. Quand on regarde les CV des gens et que l’on y voit des vides, on se dit qu’ils sont probablement alcooliques ! Mais ce n’est pas vrai. Durant la période où l’on ne nous voit pas, on travaille et on essaye de faire en sorte que des films voient le jour. On passe des mois et des mois, voire des années sur des projets et, à un moment donné, tout s’écroule et ils ne se réalisent jamais. Ça ne veut pas dire que tu ne bossais pas dessus.

Nous sommes nombreuses et nombreux à jongler entre différents projets que l’on tente de vendre, de financer. Il faut accepter les refus et se dire : « Je vais en imaginer un autre. » Un-e individu-e seul-e ne peut pas le financer, tu dois être en mesure de trouver plusieurs personnes suffisamment intéressées par ton projet pour y investir de l’argent. Mais si l’une d’elles s’en va, tout est remis en question. C’est un boulot très laborieux.

 

Pourquoi avoir fait de la télévision ?

C’est une grande part de ma carrière. Mon expérience à la télévision m’a permis de bosser. Je ne peux pas me permettre d’attendre que quelqu’un-e se pointe et me dise : « Voilà un gros chèque, fais un film avec. » Donc la télévision est une bouée de sauvetage pour beaucoup de réalisatrices et réalisateurs.

 

Avez-vous envie de créer votre propre série un jour ?

Oui ! Je faisais partie de l’équipe de Marshall et Simon. J’ai réalisé le pilote ainsi que quelques épisodes, dans les années 1990. Et j’ai beaucoup aimé ça. Du coup, j’ai tourné un pilote appelé The Osiris Chronicles pour CBS, qui se déroulait dans l’espace. Et finalement, il n’a pas été acheté (il a néanmoins été diffusé sous forme de téléfilm sur UPN, en 1998, et a été rebaptisé à cette occasion The Warlord: Battle For the Galaxy, ndlr). C’est aussi dur de vendre un pilote qu’un film. Mais je recommencerai !

 

Des projets à venir ?

Toujours. Je ne sais pas lesquels aboutiront, mais ce ne sont pas les idées qui manquent !

 


Cette interview a été réalisée lors des Utopiales 2015.