Rencontre avec l’artiste peintre Izae, une créatrice adepte de nomadisme et de liberté absolue et engagée.
Izae est une artiste qui se nourrit de la richesse que le monde a à nous offrir. Après vingt-cinq ans passés à Paris, elle a pris la décision de partir sur les routes, en nomade, pour découvrir autre chose que sa réalité. Ce choix, c’est avant tout celui d’une certaine soif de liberté. Guyane, Sénégal, Espagne, Guadeloupe… la liste de ses destinations est longue. Et cette diversité géographique, elle s’en est servie dans ses activités professionnelles, de l’ébénisterie au tourisme. Cette touche-à-tout a également créé un jardin d’enfants inspiré par la pédagogie Steiner avec l’une de ses amies au Costa Rica.
Aujourd’hui installée à Marseille, Izae s’exprime désormais à travers sa peinture. Prolifique et libre, elle tente, en multipliant les moyens d’expression, de propager une vision du monde faite de celles de tant d’autres. Exposé au restaurant Le Débouché en avril dernier, et à la Cité de la Musique de Marseille en mai, son travail est à lui tout seul un assemblage habile de voix et de couleurs, on y trouve la poésie du mélange.
Dans cette interview, Izae nous parle de ses engagements, de sa vision de l’art. Celle qui nous décrit la peinture comme « un espace total de liberté » n’a pas fini de s’exprimer.
Le féminisme, c’est quoi pour toi ?
C’est loin d’être une simple affaire de femmes. C’est une pensée humaniste en quête d’égalité entre des êtres humains de genres différents. Quoi de plus légitime que de vouloir une société où chacun-e est traité-e de façon égale ? Pour moi, le féminisme est une lutte qui devrait englober toutes les formes de discriminations : raciales, sociales, d’orientations sexuelles et genrées.
Être féministe, c’est refuser les différences de salaires à compétences égales ou l’idée, parfois inconsciente, que les femmes sont plus douées que les hommes pour les taches ménagères – comme si nous étions nées avec un fer à repasser dans une main et un balai dans l’autre. C’est dénoncer le harcèlement dans la rue, qui réduit les femmes à des objets sexuels. Toute une panoplie de préjugés qui nous collent à la peau et qui, parfois, se transmettent de… mère à enfant.
Quelle fut ta rencontre avec le féminisme ?
J’ai été élevée par une femme seule. Nous étions quatre enfants : deux filles et deux garçons. Notre mère a tenté de faire en sorte que nous soyons traité-e-s de la même façon à la maison. N’ayant pas grandi avec un père, je n’ai pas été confrontée au rapport homme/femme dans un foyer.
Les choses ont commencé à se gâter à l’âge des premières sorties, à l’adolescence. Parce que j’étais une fille, tout à coup, je n’avais plus la même liberté de mouvement que mes frères. Je crois que c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à développer mon « propre » féminisme, sans réellement connaître ce mouvement. Pendant longtemps, je ne me suis pas reconnue dans ces femmes qui « demandaient » l’égalité entre femmes et hommes. J’estimais que l’on n’avait rien à demander, qu’il fallait juste imposer.
Quelles sont tes actions au quotidien pour lutter contre les inégalités ?
Je ne suis pas une militante, car je n’aime pas faire partie d’un groupe en général. Même si je reconnais tous les acquis obtenus grâce aux actions des différents groupes féministes, je préfère en général appréhender le féminisme d’une façon plus quotidienne, en essayant de sensibiliser mes interlocuteurs-rices qui seraient tenté-e-s de minimiser, voire de nier, les injustices auxquelles doivent encore faire face les femmes. C’est un sujet qui me fait parfois, je l’avoue, réagir de façon assez violente !
J’ai eu la chance de vivre dans de nombreux pays et, à chaque fois, je ne me présentais pas comme une étrangère, mais comme un être humain allant à la rencontre d’un autre. De la même façon, lorsque je suis en société, je me positionne avant tout en tant qu’être humain. Je pense que la façon dont on se présente à l’autre influe beaucoup sur la manière avec laquelle il ou elle va vous percevoir. C’est ce que j’ai tenté de transmettre à ma fille.
Quel est le livre indispensable que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?
Passagère du silence de Fabienne Verdier. C’est le récit d’une apprentie peintre de 20 ans qui quitte tout pour aller s’installer au fin fond de la Chine communiste, et y étudier les secrets oubliés des maîtres de la calligraphie. C’est un magnifique témoignage dans lequel j’ai retrouvé des thèmes qui me tiennent à cœur : l’humilité dans l’apprentissage, le mystère de la beauté du monde, la rencontre de peuples à la culture totalement inconnue en Occident, le refus des conventions qui empêchent un-e individu-e de se réaliser pleinement, quels que soient son genre, sa culture, sa condition sociale… C’est un voyage intérieur dont l’on ne sort pas indemne.
Être une femme au XXIe siècle, c’est comment ?
Il me semble que le XXIe siècle promettait un épanouissement progressif pour les femmes, avec de grandes avancées dans des domaines aussi divers que la scolarité, le droit de vote, la contraception, l’action politique… « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question », écrivait Simone de Beauvoir. Quelle résonance avec ce que nous vivons actuellement !
Être une femme aujourd’hui, c’est prendre conscience que ces droits ne seront jamais acquis et qu’il faut continuer à exiger un traitement égal entre chacun-e. C’est résister, encore et encore, à tou-te-s celles et ceux qui tentent d’exclure les femmes d’un pan de la société. C’est être présente, que ce soit par le militantisme, par des actes quotidiens – c’est aussi une forme d’activisme – ou par l’éducation donnée à nos enfants. Être plus que jamais présente, afin d’aller plus loin dans cette quête bien légitime d’égalité.
Izae est également créatrice d’accessoires (sacs, bijoux, baskets) peints à la main. Découvre la page Facebook de sa gamme ainsi que sa page personnelle. Et pour sa boutique, c’est par là !