Prolongée jusqu’au 27 août, la comédie argentine Renata a littéralement investi la Comédie Bastille ! En adaptant la pièce Renée de Javier Maestro, Stephan Druet nous embarque au cœur d’un dilemme transidentitaire, sur fond de milonga et d’humour noir.

 

Après Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, Stephan Druet s’est inspiré de son séjour argentin pour nous proposer un dépaysement total. Derrière le comique feydesque, Renata dévoile un parcours initiatique sinueux vers l’acceptation de soi.

 

Du canular à l’acceptation de soi

Le rideau s’ouvre sur le séjour d’une maison bourgeoise parisienne. Théo, le propriétaire des lieux vient de mourir, laissant derrière lui une fortune considérable. Renata, sa femme, s’en est allée sans donner suite, et aucun-e héritier-ère ne s’est manifesté-e. Ne restent plus que les employés, qui risquent fort de se retrouver à la rue. Mais c’était sans compter sur la ruse de la gouvernante, Monique, et du jardinier, Philippe, son mari : cherchant à tout prix à s’emparer de l’héritage, les deux crapules vont travestir leur propre fils, Jean, en Renata, la veuve. Que les festivités commencent !

Renata, une pièce de Stephan Druet, à la Comédie Bastille. © DR

Avec l’aide de Blanche, la candide belle-sœur, toute la petite famille s’active dans cette mascarade. Une paire d’escarpins et quelques essayages plus tard, et c’est la révélation ! Si, au départ, Renata n’est qu’un déguisement, elle finit par ne faire qu’un avec Jean. Le travestissement imposé au jeune homme permet l’aboutissement de sa propre quête identitaire. Au fil des scènes, le garçon timide et renfermé du début de la pièce se réapproprie son corps dans toute sa féminité. Plantureuse et charnelle, Renata rayonne au point de faire succomber le jeune notaire Alexandre.

 

Un tango macabre

Une chose est sûre, Stephan Druet n’a gardé de parisien que le décor ! Très inspiré par l’esthétique almodovarienne, il a également beaucoup puisé dans l’art argentin. Entre les couleurs flamboyantes des costumes, les danses et les jeux de lumière, le metteur en scène ne donne pas dans le minimalisme. Dans Renata, la mort est le point de départ d’une imposture haute en couleur, parfaitement incarnée par un quatuor de talent.

Renata, une pièce de Stephan Druet, à la Comédie Bastille. © DR

Si Sebastian Galeota (Renata) nous fascine littéralement à travers sa mutation, Carole Massana (Monique) brille en marâtre cynique. Elle ne pouvait avoir de meilleur partenaire de crime que Philippe Saïd (Philippe), pétrifiant dans son rôle de père hargneux. En vieille fille sentimentale, Emma Fallet (Blanche) apporte un peu de légèreté à la pièce. On salue également la justesse du jeu d’Antoine Berry-Roger (Alexandre) en jeune premier amoureux transi.

Mais que l’on ne s’y trompe pas, Stephan Druet ne fait pas dans l’archétype ! Chacun des personnages a sa complexité, qu’il s’agisse de Renata, partagée entre son désir de devenir femme et sa difficulté à accepter sa différence, ou de son père, qui dissimule son attirance incestueuse derrière son homophobie. Ensemble, ils donnent nuances et profondeur à la pièce, et c’est la raison pour laquelle la sauce prend.

Renata, une pièce de Stephan Druet, à la Comédie Bastille. © DR

 

Quand la farce tourne au vinaigre

Si, dans les premières minutes, on s’attend à une bonne tranche de rire, la pièce a vite fait de nous duper ! Derrière les cris de Monique et les mièvreries de Blanche, on ne voit pas arriver le renversement de situation. Jean, alias Renata, passe du statut de pion à celui de maîtresse des cartes… pour terminer dindon de la farce. Le comique de situation dissimule à merveille le tragique en filigrane. Il permet d’amener des problématiques liées à la transidentité, l’inceste, la solitude, ou les désirs refoulés, sans jamais tomber dans la caricature.

En 1 h 30 de spectacle, on fait à peu près le tour de la palette émotionnelle sans voir le temps défiler. On en ressort troublé-e sans trop savoir pourquoi. Sous couvert de vaudeville, la pièce titille là où ça fait mal. C’est jouissif… et on en redemande !

 


Renata, à la Comédie Bastille, du jeudi au samedi 21h et le dimanche 17h :
  • Tarif : 32 € et 27 €
  • Tarif Jeune (moins de 26 ans) : 10 € au guichet ou 11 €