Partie 2
Oui, je suis triste pour moi. On ne peut pas couper le lien quand celui-ci est vivant, est humain. Je t’aurais bien étranglé avec, mais il faut savoir être raisonnable.
Pourtant, tu as bien failli me tuer. De tes mains et de mes mains. Je me suis sentie mourir trop de fois pour renaître autant. C’est violent les naissances, on en pleure à chaque fois, c’est connu.
Cette année, j’aurai l’âge de Jésus quand il est mort et ressuscité. Le petit en aura 13. Encore un signe ?
Guerilla Poubelle, Rancid ou NoFX nous avaient rapprochés. Au-delà de la musique, c’est pas une philosophie ?
Je t’ai écouté parler, à croire qu’on n’a pas vécu la même histoire. Le déni. Quand j’essaye de te comprendre, je tombe jamais juste. Avec toi, je suis comme enrhumée de l’empathie.
Quand j’écoute Médisance après de Justin(e), je crois que c’est toi qui leur as inspiré cette chanson. Un mélange de rage et de pitié.
Je suis désolée pour toi. Oui, tu es l’ordure, le sale type. Tu es ce que tu détestes le plus au monde : le crevard, le violent, l’alcoolique, le haineux. C’est dur à avaler, je comprends !
Sois sûr que je refuse qu’il te ressemble. Ça ne veut pas dire que je préfère qu’il me ressemble…
Oui, je suis triste pour moi. Je suis triste pour lui aussi. On n’a pas la vie qu’on mérite.
Si je pouvais, je couperais la chaîne rouillée qui me relie à toi, boulet, qui te traîne désespérément et lourdement derrière mon pied. Je t’entends à chacun de mes pas.
Alors, écoute-moi. Je ne suis toujours pas morte, il ne te ressemblera pas, tu ne me l’enlèveras pas et j’espère vraiment, sincèrement, que tu comprendras, que tu accéderas à ton cœur, celui qui fait de toi l’humain que tu es. Pas pour toi, pas pour moi, mais pour lui.
J’ai longtemps cherché les bons outils, je n’ai trouvé que des armes. J’aurais pu t’enlever ta raison de vivre, mais je ne suis pas une femme assassin, je n’ai pas voulu te tuer. En tout cas, je ne voulais pas en porter la responsabilité.
Je ne suis pas comme toi et je refuse de jouer à ton jeu d’échecs. C’est moins drôle de jouer seul, hein ? Ma seule victoire face à toi, c’est d’avoir abandonné ta partie. Mauvais perdant…
À Barcelone, j’ai fait trois vœux. Ils sont toujours à mon poignet. Je n’ai pas fait celui d’être moins triste pour moi, mais c’est peut-être le seul qui se réalisera.
Image de une : A tear lost in a stream. © Slice of Being