L’automne a enfin commencé à colorer les feuilles des arbres, vouées à tomber. Inévitablement. Alors, le temps d’un week-end, on replonge dans des lectures apaisantes, des imaginaires mouvants communs, réconfortants. On lève le voile sur le fantastique.

 

Le son doit submerger la pièce. Comme une couverture rassurante. Il sature l’air de l’appartement, de la ville. Jusqu’à en oublier le silence. La ville ne connaît pas de répit. Elle respire au rythme des sirènes et des ivrognes, des rires et des cris perdus dans la nuit. Il y a ces lumières, comme des notes de musique, qui s’activent et s’éteignent sans discontinuer. Tout ce que tu es ne peut prendre congé. Tu inhales l’existence déformée des autres. C’est un rêve éveillé, une fiction savamment édifiée, se travestissant en une image endimanchée des atours de la réalité. Une ville qui ressemble à l’imagination de Satoshi Kon, à la scène hallucinée de Paprika. Regarde-le, là-bas, sur le trottoir, il t’appelle. Et tu entres dans une salle de cinéma, pour remplir et écœurer tout ce que ton âme peut tolérer de sons et d’images. Si tu plisses les paupières et concentres ton regard sur chacun des détails de cette ville grise, tu passeras de l’autre côté du miroir. Tu franchiras la mince frontière séparant la réalité acceptée et le monde qui est le tien. Cette traversée a toujours besoin d’être allégorisée afin d’être comprise. Elle est évanescente. Tu prends la pilule rouge, tu pénètres l’armoire, tu montes dans le train. Tu t’envoles. Ce passage sacré est tel un fil rouge qui nous connecte toutes et tous, nous faisant soudainement ouïr une même symphonie propulsée dans les airs par des enceintes invisibles. Nous y sommes ensemble. Et toi, là, tu as choisi de rester de l’autre côté.

Mais il y a nous. Et le ça. Les étrangers du réel. L’odeur âcre du tangible. Les teintes dépouillées du fantasme.

Ce n’est pas que la solitude des villes nous emprisonne davantage. Elle est avec nous, constamment. La mise en quarantaine de nos consciences est imposée à nos psychés sous la forme d’un matraquage publicitaire existentiel. Une aliénation permanente. La solitude n’est pas la menace, le cloître de la société constitue le véritable danger. La solitude nous lie et nous fait franchir la frontière invisible. Prendre la pilule. Pénétrer l’armoire. Monter dans le train. S’envoler. Elle est un liant, mystique et palpable, celui qui nous attache à l’autre. Elle est celle qui me donne l’impression de toujours connaître l’étrangère, l’étranger. Et de voir, dans leurs yeux, un petit peu de moi-même. Puissions-nous être seul-e-s ensemble, le temps d’un sourire.

 

Œuvres et lieux cité-e-s (entre autres) :

  • Matrix, sœurs Wachowski, 1999
  • La saga Harry Potter, J. K. Rowling, 1997-2007
  • Paprika, Satoshi Kon, 2006
  • Symphonie inachevée (Symphonie n° 8), Schubert, 1822
  • Les quais de gare qui laissent les pensées s’évader et les adieux s’étouffer