Sophie quitte la capitale pour retourner dans le nid familial. Elle y retrouve des repères réconfortants et des habitudes lointaines, en confrontation avec celles de son présent. Parfois, le rythme du temps s’emmêle les pinceaux, pour disparaître devant son nez.

 

Il neige.

J’ai quitté Paris pour Carcassonne. Mon accès à l’information est différent : chez moi, je ne suis que sur Internet, et ma télévision est presque toujours éteinte. Ici, c’est l’inverse : on se nourrit de la télévision, BFM et M6, des épisodes de NCIS par-ci, une rediffusion d’Indiana Jones par-là. Chaque fois, mon rythme change. Je me retrouve incapable de continuer à lire, regarder des films ou des séries de la même manière que lorsque je suis dans mon appartement parisien. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose ; simplement, mon rapport à ce qui m’entoure est forcément différent.

Le dimanche est toujours très particulier. En semaine, ma famille travaille, et je suis donc seule dans cette grande maison. Je peux, si je le veux, retrouver pendant quelques heures le rythme dont j’ai d’habitude : avaler le plus de films possible avant le retour de mes parents. Cette semaine, c’était Les Petites Marguerites, film au propos féministe et pilier de la nouvelle vague tchèque, puis Spider-Man: Homecoming (je panique toujours à la fin de l’année d’avoir loupé des films, loupé le coche, de devoir rattraper, comme si tout ceci était un sport, une sorte d’obligation), et un court-métrage nommé Une vie radieuse, assez expérimental, un peu effrayant parce qu’il parle des femmes comme de moteurs – d’ailleurs, l’héroïne n’a pas de visage au début, elle est juste une jolie paire de chevilles et des ongles bien manucurés.

Le dimanche, donc. Le dimanche, tout le monde est là. J’abandonne Don Draper pour passer du temps avec ma famille. Quand l’apéro dure un peu trop longtemps, je lis à la va-vite quelques pages du dernier album d’Astérix. Le dimanche en famille a une saveur de repos que le dimanche seule chez moi n’a jamais eu. Et cette atmosphère particulière est toujours synonyme de lecture. Les meilleurs week-ends ne sont pas ceux durant lesquels je sors me balader, que ce soit à Paris ou à Carcassonne. Les meilleurs week-ends sont ceux pendant lesquels le samedi a aussi cette saveur de dimanche, à tel point que les jours se confondent. Le lundi sera d’autant plus difficile ; le retour à cette vie accrochée aux aiguilles de l’horloge, comme le lapin d’Alice. Pour l’instant, cependant, le temps est perdu.

 

Œuvres et lieux cité-e-s (entre autres) :

  • Indiana Jones, Steven Spielberg, 1981-2008
  • Les Petites Marguerites, Věra Chytilová, 1966
  • Spider-Man: Homecoming, Jon Watts, 2017
  • Une vie radieuse, Meryll Hardt, 2013
  • Mad Men, créée par Matthew Weiner, 2007-2015
  • Astérix et la Transitalique, Jean-Yves Ferri (scénario), Didier Conrad (dessins) et Thierry Mébarki (couleurs), éditions Albert René, 2017
  • Carcassonne