Une rencontre vidéo avec la photoreportrice sociale Maryam Ashrāfi. La jeune femme nous a parlé de son métier difficile et de sa série « Les Enfants de la guerre », dans laquelle elle tente de capturer les conséquences invisibles des conflits armés. Des guerres qui marquent pourtant les populations victimes à tout jamais.
Maryam Ashrāfi est née à Téhéran en 1982. Cette photographe, qui se décrit comme une « social documentary photographer », est passionnée de sociologie. Un penchant pour la psyché humaine et ses fonctionnements qui imprègne son travail photographique. Rapidement, elle décide d’orienter son objectif vers les causes sociales et politiques à travers le monde. Diplômée d’un Bachelor of Arts en photographie sociale à l’université du sud du pays de Galles, à Newport, Maryam Ashrāfi confirme les envies de ses premiers projets, ses aspirations militantes. Elle fait ses débuts sur le terrain au Kurdistan, concentrant son travail sur les problématiques sociales et politiques des Kurdes. Mais elle s’intéresse aussi à la France (où elle vit quand elle n’est pas en voyage), et photographie des réfugié-e-s dans Paris ou des manifestations des diasporas kurdes et iraniennes.
Maryam Ashrāfi s’autofinance. Lors de notre rencontre, elle nous a expliqué comment elle était amenée à travailler, devant s’adapter aux réalités économiques précaires de son métier. La photographe doit en effet économiser afin de pouvoir partir sur le terrain. Quand elle se rend sur les lieux de ses reportages, elle s’installe au plus près des populations et vit avec elles. Bien qu’elle ait été publiée dans le Guardian ou sur des plates-formes telles que Maptia et ViewFind, sa photographie ne s’inscrit pas dans la temporalité effrénée des médias, et a donc du mal à s’imposer à l’ère du clic et du buzz. Maryam Ashrāfi veut montrer les conséquences de la guerre sur les personnes. Elle vient nous remémorer leur vie, alors que tout le monde oublie. Dans sa série « Les Enfants de la guerre », elle tente d’humaniser un sujet qui est toujours secondaire en France. Et tandis qu’Emmanuel Macron travaille sur un projet de loi sur l’immigration et l’asile a priori destiné à dissuader les personnes de venir en France, inquiétant jusqu’à ses indéfectibles supportrices et supporters, il nous faut rester vigilant-e-s. Maryam Ashrāfi, elle-même devenue réfugiée à l’âge de 17 ans, nous a dit la difficulté de ne pas faire l’impasse sur des situations qui nous paraissent éloignées, sur des réalités et des vies qui, de près ou de loin, nous concernent pourtant tou-te-s.
Maryam Ashrāfi n’a actuellement aucune exposition en cours, mais nous ne manquerons pas de t’annoncer ses actualités à l’avenir. Elle se lance en effet dans un nouveau projet, ambitieux et compliqué, qu’elle a choisi de révéler pour la première fois ici, sur Deuxième Page.
Après plusieurs voyages au Kurdistan, la photographe était déjà très sensibilisée aux problématiques sur place. Son expérience lui a permis d’enrichir sa réflexion quant aux sujets qu’elle décide d’aborder à travers ses images. Les enfants étaient une évidence pour elle, mais en même temps, comme elle nous l’a confié, ce qu’une guerre peut faire à une personne ne peut être réduit à une phrase, une photographie. En tant que photoreportrice, elle veut pouvoir en montrer la complexité.
Née durant la guerre Iran-Irak, la jeune femme conserve des souvenirs prégnants des huit années qu’elle a passées au cœur de cette réalité. Une fois terminée, la guerre, pour celles et ceux qui l’on vécue, appartient rarement au passé. Ses répercussions sont encore visibles ensuite, si l’on prend le temps de bien regarder. Les mines antipersonnel au Kurdistan sont toujours l’un des plus grands dangers quotidiens pour les populations, « mais les nouvelles guerres, les nouveaux ennemis et les problèmes politiques actuels ont en quelque sorte caché ce danger ». La photoreportrice nous a d’ailleurs révélé avoir perdu des proches lors de ses voyages et avoir craint pour sa vie à cause des mines restantes.
Maryam Ashrāfi a donc décidé de commencer un projet photographique sur le long terme. Elle prendra son appareil photo pour montrer ce que les mines antipersonnel font subir aux populations oubliées dans divers pays, tels que l’Irak, l’Afghanistan, le Cambodge, la Somalie, la Bosnie-Herzégovine ou encore l’Angola… « De très bons photoreportages et documentaires ont déjà été réalisés dans ces lieux [voir notre article sur Jane Evelyn Atwood, ndlr], mais j’espère trouver un langage commun, impliquer les personnes sur place, les victimes, pour ajouter de nouvelles voix et pousser à une prise de conscience collective. » Elle est aujourd’hui à la recherche de soutien financier et de subventions. Si tu souhaites l’aider, tu peux la contacter directement.
Retrouve toute l’actualité de Maryam Ashrāfi sur Instagram et son site officiel.
Cette interview a été réalisée dans le cadre du concours photo « Femmes citoyennes ».