Avec certaines contraceptions, il est possible de ne plus avoir ses règles. Cela peut être subi ou choisi. Dans mon cas, cela a été un choix éclairé que je ne regrette pas le moins du monde. Aujourd’hui, je t’explique pourquoi j’ai décidé de ne plus avoir mes règles.
En 2017, on a beaucoup parlé des menstruations. Plusieurs ouvrages visant à faire disparaître le tabou qui les entoure sont sortis. Et du côté de la presse, il me semble que je n’avais jamais vu passer autant d’articles sur ce sujet. Le grand débat (saignant) de 2017 a été le congé menstruel, lequel existe dans plusieurs pays, par exemple au Japon, en Indonésie et en Corée du Sud. Cette discussion, qui ne volait parfois pas bien haut, a au moins eu l’avantage de mettre en avant les douleurs de règles. Pour preuve de cet effet de propagation, le flot de cette thématique a été jusqu’à inonder L’Équipe, qui a publié dans son supplément du 18 février 2017 une enquête sur les règles dans le sport. Des émissions de radio se sont aussi emparées de ce sujet trop longtemps resté dans l’ombre. J’ai vraiment l’impression que, depuis quelques mois, les langues se délient, et le tabou s’atténue (bien que très lentement).
À titre personnel, j’ai lu Ceci est mon sang d’Élise Thiébaud, Sang tabou de Camille Emmanuelle et Le Grand Mystère des règles de Jack Parker. J’ai également vu le spectacle Chattologie, de Klaire fait grr. Oui, je suis assez obsessionnelle. Quand je m’intéresse à un sujet, j’ai souvent envie de lire dessus et d’approfondir un peu. Après qu’une copine m’a prêté ce premier ouvrage, je n’ai pas hésité à acheter le deuxième et à demander le troisième pour mon anniversaire.
Les règles, chez moi, ce n’est pas un grand tabou. J’ai stérilisé ma cup dans la cuisine familiale, et j’ai débattu des avantages et des inconvénients de ce dispositif avec ma cousine, devant mon frère, intéressé. Une copine m’a offert des serviettes lavables. Pourtant, malgré cette décontraction, j’ai toujours emporté mes protections hygiéniques aux toilettes avec la plus grande discrétion, de manière assez honteuse. Ce paradoxe me fait penser que je ne suis peut-être pas aussi détendue que ça sur la question. Mais j’essaye. J’avais envie de creuser un peu plus et de savoir comment, socialement et globalement (au-delà de mon petit univers privilégié), étaient perçues les règles. Grâce à ces œuvres, j’ai appris plein de choses. Et cela m’a aussi donné l’occasion d’aborder sous un nouveau jour ce sujet avec des copines.
Depuis quelques années, il y a également de plus en plus de choix de protections. Les serviettes lavables reviennent, la coupe menstruelle devient populaire, et les sous-vêtements pour menstruations me donnent presque envie d’avoir mes règles. (J’ai dit presque.)
Même si tout est loin d’être parfait (parlons par exemple de la mauvaise prise en charge des douleurs, de leur considération, ou encore du prix de certaines protections hygiéniques), les lignes commencent lentement à bouger, et les règles à prendre leur place : celle qu’on leur a si longtemps refusée.
Dans ce contexte plus favorable (enfin !), il y a une situation qui n’est néanmoins pas discutée : le choix de ne pas avoir ses règles. Peut-être parce que ce choix semble en opposition avec la volonté de faire comprendre que les règles ne sont ni sales ni honteuses. Si elles ne le sont pas, alors pourquoi vouloir s’en débarrasser après tout ? Pour moi, il s’agit plutôt de désacraliser les règles. À partir de là, libre à chaque personne d’en faire ce qu’elle veut.
Certains contraceptifs hormonaux suppriment les règles : c’est l’aménorrhée, l’un des effets secondaires qui est inscrit sur les notices. Je conçois que cet effet soit indésirable pour bon nombre de personnes, pour plusieurs raisons (dont celles-ci, selon mes copines et l’Internet : « Je ne sais pas si je suis enceint-e », « Je me sens moins femme », « J’ai besoin de savoir que tout va bien et d’être rythmé-e », « C’est naturel »…). Pour moi, au contraire, c’était l’effet recherché.
Cela fait dix ans que je n’ai (quasiment) plus mes règles. Et j’en suis ravie. Mes règles étaient régulières, sans douleur. Rien de bien contraignant, donc. Environ quatre ans après mes premières règles, j’ai pris la pilule. Mes (fausses) règles sont restées régulières et non-douloureuses. Et elles n’étaient pas un frein à ma vie sexuelle. Je n’avais donc, a priori, aucune raison de ne plus vouloir avoir mes règles. C’est juste qu’elles m’encombraient. Quand j’ai appris que je pouvais m’en débarrasser sans changer de mode de vie, mais juste en prenant une autre pilule (avec 28 comprimés dans chaque plaquette et sans interruption entre les plaquettes), j’ai évidemment saisi l’occasion. C’était en 2007.
En dix ans, j’ai appris beaucoup d’autres choses, et j’ai pas mal réfléchi, notamment à la contraception et aux hormones, et donc forcément à la contraception hormonale que j’avais choisie alors que j’étais encore adolescente. Même si aujourd’hui, j’ai décidé de rester sur mon choix initial, j’ai eu l’occasion de le questionner à plusieurs reprises ces dernières années. D’une part, en 2013 il me semble, voyant que j’oubliais de temps en temps ma pilule, je suis passée à l’implant contraceptif hormonal. Avantage principal : plus besoin d’y penser ! Inconvénient majeur : au bout de quelques mois, j’ai eu mes règles un peu n’importe quand, et un peu trop longtemps. J’ai laissé passer du temps, histoire de bien analyser la situation. Et j’ai fait un choix éclairé : au confort de ne pas avoir à penser à ma contraception, je préférais le confort de ne pas avoir mes règles. Je suis donc retournée vers ma pilule en continu. D’autre part, depuis 2014, pas mal de mes copines ont arrêté la contraception hormonale pour de très bonnes raisons : les effets sur leur corps (prise de poids, perte de libido, et surtout risques à court ou moyen terme sur leur santé), ainsi que les effets sur la planète (pollution de l’eau…). Et récemment, j’ai lu J’arrête la pilule de Sabrina Debusquat, qui m’a fait me poser des questions (mais l’autrice semble néanmoins avoir un parti pris contre la pilule et cite des sources et des études contestables). Depuis plusieurs années, je m’interroge donc sur mon choix de contraception et sur celui de ne plus avoir de règles. Mais pas au point de me faire revenir dessus.
Les raisons qui m’ont poussée à l’époque à faire le choix de ne plus avoir mes règles restent d’actualité :
Parce que c’est super confortable.
Parce que je n’éprouve pas le besoin d’avoir mes règles pour me sentir bien ni pour me « sentir femme ».
Parce que je n’aime pas me mettre quelque chose à l’intérieur du vagin (les tampons, cups et éponges ne sont pas faites pour moi).
Parce que je n’aime pas la sensation du sang qui s’écoule (les serviettes ne me convainquent donc pas non plus).
Parce que je n’aime pas le sang en général.
Parce que les règles, même si ce n’est pas sale, ça peut quand même faire des taches.
Parce que c’est économique.
Parce que je me sens plus libre sans règles.
Avec le temps et un peu de recul, j’ai pu avoir un petit aperçu des conséquences de ce choix sur mon quotidien. Comme je n’ai pas mes règles (ou très rarement), je n’ai plus à acheter de protections hygiéniques ni à anticiper leur arrivée pour être sûre de ne pas les avoir durant des moments où ce serait particulièrement embêtant (pendant mon trek au Kirghizistan, par exemple). Et je ne tache plus aucun vêtement.
Au-delà de ces aspects plutôt pratiques, ce choix m’apporte un certain contrôle sur mon corps. J’ai décidé de ne plus subir les règles. C’est quelque chose dont je n’ai pas besoin personnellement, donc je préfère m’en passer puisque j’en ai la possibilité. Au quotidien, ce choix m’a libéré de ce qui était pour moi une contrainte et, ce faisant, me fait me sentir libre.
Accepter les règles, en parler, les désacraliser, ne plus les cacher, en faire un sujet comme un autre, prendre en considération les douleurs associées… oui, bien évidemment, je suis mille fois pour. Il ne faut juste pas oublier que l’on peut faire le choix de ne pas avoir ses règles. Parce que justement, il n’y a rien de sacré là-dedans.
Mon corps, mes choix.
Comment faire si tu ne veux plus avoir tes règles ?
Il faut prendre une contraception hormonale… C’est inévitable. Donc il faut quand même longuement considérer et réfléchir à ce choix. Aucune contraception n’entraîne les mêmes effets chez tout le monde. En aucun cas, il ne s’agit de pousser certain-e-s dans leur décision, mais si tu souhaites le faire, sache qu’il existe plusieurs moyens. Il y a des pilules à prendre en continu et, pour les autres pilules et contraceptions hormonales de type patchs ou anneaux vaginaux, il est possible de les utiliser en continu. C’est en tout cas ce que disent de nombreux articles, mais n’hésite pas à en parler avec un-e professionnel-le de santé de confiance, qui pourra t’expliquer en détail leur utilisation. L’implant contraceptif peut aussi avoir cet effet (même si cela n’a pas été le cas pour moi), de même que le stérilet hormonal. Quelle que soit ta décision, le mieux est d’en parler à un-e médecin, un-e gynécologue ou un-e sage-femme.
Image de une : illustration réalisée spécialement pour Deuxième Page. © Anaëlle Villard