Pour ce nouveau « The F-World », Aya te parle de la danseuse trinidadienne Beryl McBurnie. Toute sa vie, cette incroyable artiste a œuvré pour la reconnaissance de son art et de sa culture.
« Sommes-nous prêt-e-s à accepter nos origines pour ce qu’elles sont : modestes, confectionnées de coton et non de satin ? Ou nous font-elles peur car elles nous rappellent que notre culture populaire et traditionnelle est majoritairement d’origine africaine ?* » – Beryl McBurnie, lors d’une de ses conférences données à la fin des années 1950.
Beryl McBurnie, célébrée sous son nom d’artiste La Belle Rosette, est née le 2 novembre 1913. Danseuse et chorégraphe afro-caribéenne, elle est l’une des premières femmes à faire connaître les danses traditionnelles de Trinité-et-Tobago, état insulaire du sud-est des Caraïbes où elle voit le jour.
Dès son plus jeune âge, Beryl danse. À 8 ans, elle performe dans des spectacles pour son quartier et son école à Port-d’Espagne. Durant plusieurs années, elle entreprend une formation pour devenir professeure mais décide finalement de poursuivre une carrière artistique. Ce choix s’impose à elle comme une évidence, mais il n’en est pas moins difficile car son père désire absolument que sa fille aille en médecine. Mais cela ne l’arrête pas. Elle s’installe à New York en 1938 et suit des cours à la prestigieuse Columbia University où elle étudie notamment son art aux côtés de la grande Martha Graham. En parallèle, Beryl enseigne au sein du New Dance Group, un collectif d’artistes engagé-e-s qui accueille des danseurs-ses de tous horizons – à une époque où la ségrégation raciale est encore pratiquée.
À partir de 1941, âgée de 28 ans, Beryl McBurnie adopte son nom de scène : La Belle Rosette. Ses représentations rencontrent un vif succès aux États-Unis, mais aussi dans son pays natal. En 1947, sa notoriété lui permet de créer un lieu de spectacle à Port-d’Espagne, le Little Carib Theatre, ainsi qu’une troupe, la Little Carib Dance Company. Tout cela est destiné à visibiliser la culture trinidadienne, et plus largement celles des Caraïbes. Dès lors, la danseuse fait des tournées partout dans le monde, aux États-Unis, au Canada, en Jamaïque, et en Europe jusque dans les 60’s. Tout au long de son existence, Beryl McBurnie lutte pour la reconnaissance des cultures caribéennes. En 1965, le théâtre ferme pour des raisons de sécurité (sa reconstruction prendra plusieurs années). L’artiste, elle, choisit de se consacrer à l’enseignement de la danse, spécialement auprès des plus petit-e-s. Elle meurt en mars 2000, elle a 87 ans.
À travers son œuvre, Beryl McBurnie a montré la richesse de son érudition. Elle a créé son propre style, mélangeant danses caribéennes, brésiliennes et contemporaines dans des mises en scène rythmées sur des airs de Bach et de Wagner. Elle est aujourd’hui reconnue par ses pairs, particulièrement à Broadway. Le travail impressionnant de Beryl McBurnie a grandement contribué à populariser les danses traditionnelles de son pays comme le Limbo et la Calinda durant une période où cette culture était vouée à disparaître au profit d’influences européennes imposées par la colonisation – espagnole, française et anglaise. Les traditions des populations autochtones, elles, étaient méconnues et méprisées (quand elles n’étaient pas totalement ignorées). Dans sa notice nécrologique consacrée à Beryl McBurnie, le Guardian explique que ses actions ont « posé les bases pour une reconnaissance internationale de la danse caribéenne ».
* Extrait traduit par nos soins : « The question is, are we prepared to accept what is originally ours, and not be afraid because it is simple and given to cottons and not silk? Or are we afraid because most of the vital expression of our folk material is of African origin? » source : Sunday Guardian, 2 avril 2000, p. 15.
Image : Beryl McBurnie aka La Belle Rosette, photographiée par Carl Van Vechten, 1941. © Van Vechten Trust