Arrivée sur la pointe des pieds en 2015 avec un premier single rafraîchissant et immédiatement séduisant, « J’suis pas dupe », la chanteuse Pomme s’est doucement mais sûrement créé une jolie place au soleil parmi une foule de révélations musicales féminines. Portrait d’un émouvant talent qui souffle le chaud et le froid, le sucré comme l’acide pour mieux enchanter durablement.
Dans les couloirs de l’industrie musicale, les récentes incursions de jeunes femmes aussi différentes qu’ambitieuses n’ont pas manqué de secouer une chanson et une pop françaises lancées dans une cruelle recherche de sang neuf. En quelques mois à peine, des autrices-compositrices-interprètes comme Clara Luciani, Juliette Armanet ou encore Fishbach se sont chargées de faire exploser un microcosme ronronnant en cassant, une par une, toutes les certitudes d’une scène francophone aux rouages trop bien huilés. Sur des titres finement incisifs, accrocheurs mais élégamment travaillés, toutes se sont distinguées par une détermination farouche et des personnalités assez affirmées pour imposer leurs choix.
Moins exposée que ses consœurs, Pomme a pourtant su leur emboîter admirablement le pas en parvenant à s’extraire du carcan doucereux que l’on aurait voulu tailler pour elle. Tandis que la jeune lyonnaise possédait les caractéristiques parfaites du prototype prêt à cartonner en radio avec une kyrielle de mélodies acidulées et des paroles prémâchées, les apparences se sont révélées trompeuses de A à Z en dévoilant une identité musicale aussi romanesque qu’intrigante. Oubliés les jeux de mots sur son nom de scène, dissipées les inquiétudes autour d’un album suffisamment touchant pour émerger sous des arrangements parfois malhabiles : Pomme possède cette rare mélancolie du cœur où l’exigence s’invite perpétuellement aux côtés de l’émotion.
Il suffit d’écouter À Peu Près, premier disque aux entournures lissées mais aux pépites incrustées, pour se convaincre que le romantisme peut baigner dans un lyrisme capable de s’extirper subtilement d’une quelconque mièvrerie. Des compositions déchirantes comme « On brûlera » ou « La Lavande » sont ainsi l’occasion d’apprécier les fêlures et le mystère d’une musicienne de vingt-deux ans qui chante les désordres du cœur avec un mélange de vivacité et de profondeur absolument paradoxales. Un peu Dolly Parton, beaucoup Barbara, Pomme y convoque ses références sans les laisser étouffer la délicate ampleur de textes où l’amour n’a pas de genre ni d’antidote.
Sur scène, depuis son premier concert en tête d’affiche aux Trois Baudets (Paris), elle ne cesse d’émerveiller, seule entre guitares et autoharpe, par sa maturité et sa façon de captiver son audience grâce aux envolées d’une voix quasiment féerique. Ayant fait ses armes lors de nombreuses premières parties (de Benjamin Biolay à Louane en passant par Vianney ou Pierre Lapointe), Pomme s’est depuis engagée contre le sexisme de l’industrie en défendant la place des femmes dans la musique. Une manière comme une autre d’enterrer une image timorée désormais lointaine, camouflée derrière la singularité éclatante d’une artiste construisant, pierre après pierre, les fondations d’une carrière bien partie pour durer.
Image de une : Pomme. © Marta Bevacqua