Pour qui est en quête d’action et de personnages avec une véritable badass attitude, les films Terminator semblent être un choix parfait. Quoi de mieux qu’un robot apparemment indestructible tout droit venu du futur ? Surtout quand celui-ci est joué par Arnold Schwarzenegger. Pourtant, si la saga passionne les foules depuis 1984, et encore aujourd’hui avec un sixième film prévu pour novembre 2019, c’est aussi (et surtout) pour la figure légendaire de Sarah Connor. Enora revient sur ce personnage clé de la pop culture et t’explique pourquoi il fut déterminant pour la représentation des héroïnes sur grand écran.

 

Avant de se lancer dans le vif du sujet, il est important de faire un récap du début de la saga. Dans le premier film, Sarah Connor (Linda Hamilton) est une serveuse vivant en colocation, qui lutte pour trouver sa place dans le monde. Sa vie bascule lorsqu’un cyborg, le Terminator T-800 (Arnold Schwarzenegger), débarque tout droit du futur avec comme mission de la tuer. Épaulée par Kyle Reese (Michael Biehn), lui aussi venu du futur, elle parvient à échapper au Terminator et à le détruire. Dans Terminator 2 : Le Jugement dernier (1991), ayant été internée pour avoir raconté son histoire, Sarah s’en tire avec l’aide de son fils, John (Edward Furlong), « l’espoir de l’humanité », et un autre T-800 (toujours Schwarzenegger), cette fois envoyé pour la protéger. Et pour cause : un nouveau modèle de Terminator, plus perfectionné, le T-1000 (Robert Patrick), est à leur poursuite. Ainsi commence leur lutte pour la survie.

 

Définir l’héroïsme au cinéma et dans la pop culture

Si l’on te demande de citer des héros au cinéma, de nombreux noms te viendront immédiatement à l’esprit. D’une manière générale, tout le monde a une vision assez similaire quant aux règles à suivre pour construire un héros idéal : il faut prendre un individu a priori lambda et le placer face à une situation qui ne l’est pas du tout. Le personnage commence par subir l’action, par avoir un rôle passif qui le conduit inévitablement à un échec. Mais c’est justement cet échec qui lui offre la possibilité de surpasser ses limites. Il fait alors le choix d’agir. Et c’est cette prise de décision qui est déterminante dans sa construction personnelle, et qui le pousse ensuite à se comporter de façon héroïque. Après vient l’étape de la résolution, permettant que sa quête s’achève. Voici en somme la recette pour concocter un héros dans la pop culture.

Terminator, réalisé par James Cameron, 1984. © 20th Century Fox

Et pour les héroïnes, alors ? La question du genre est évidemment déterminante dans l’idée que l’on se fait d’un personnage principal digne de ce nom. Et les tropes et schémas communs omniprésents dans la pop culture ont créé des attentes. Bien trop souvent, les héroïnes ont une histoire qui suit un modèle très différent. Au lieu d’opérer cette évolution (de la passive à l’active), qui permet une véritable transformation, elles sont enfermées dans le rôle passif, n’ayant visiblement pas droit à la complexité. Ce changement dans leur construction est en partie responsable de l’unidimensionnalité des figures féminines dans la fiction, incarnant bien souvent de simples archétypes.

 

Une héroïne nécessaire

Malgré son vieil âge, Terminator (1984) continue de sortir son épingle du jeu dans l’océan de superproductions qui inondent aujourd’hui nos écrans. Le long-métrage nous présente tout d’abord une jeune femme comme les autres, mais surtout comme celle que l’on a parfois l’impression d’être. En bref, une femme à laquelle on peut s’identifier (si l’on oublie le fait qu’elle a un énorme lézard pour animal de compagnie). À première vue, Sarah Connor semble n’avoir aucune caractéristique particulière. Son quotidien n’est pas des plus simple, mais sans pour autant être dramatique : elle y fait face et se console le soir en allant voir un bon film. Comme beaucoup d’entre nous finalement.

Puis arrive la menace. Elle se retrouve contrainte à suivre Kyle Reese, soi-disant envoyé du futur pour la protéger, sans trop savoir s’il s’agit d’un ennemi ou d’un allié. Il et elle sont rattrapé-e-s par la police, qui promet de l’aider. Pourtant, le cyborg la retrouve et massacre l’ensemble du commissariat. Elle décide alors de suivre son prétendu sauveur. À partir de ce moment, Sarah devient un personnage actif. Sa détermination et son intelligence sont valorisées. Le paroxysme de son évolution s’incarne lors de la mise à mort de son poursuivant. Malgré une jambe blessée, plus de 24 heures de lutte et la possible destruction de son seul allié, Sarah déclenche la presse hydraulique qui sera fatale au T-800 dans une scène iconique. Cette figuration nécessaire au langage cinématographique est pourtant le reflet d’un triomphe plus complexe. Il vient signaler l’accomplissement de notre protagoniste et sa capacité à se défendre elle-même.

Terminator 2 : Le Jugement dernier, réalisé par James Cameron, 1991. © Columbia TriStar Films

Dans le deuxième volet, elle se bat aux côtés du T-800, apprenant tout ce qu’elle peut le temps d’une nuit. Sans en avoir conscience, Sarah se trouve en passe de devenir l’héroïne qu’elle est encore aujourd’hui. Ici, l’histoire dépeint un personnage sensiblement différent. Sarah Connor est une véritable guerrière tout en muscles, sachant aussi bien se servir de ses poings et de son cerveau que d’un large panel d’armes. Si sa fuite est rendue possible grâce à son fils et au T-800, c’est bien elle qui dirige le reste de leur aventure. Elle nous est présentée comme une individue à part entière, une femme décisionnaire qui sait ce qu’elle fait. Se rendant rapidement compte des enjeux de la situation, Sarah prend les choses en main. Grâce à ses connaissances, elle déniche un véritable arsenal, et les trois acolytes se lancent dans une mission qui pourrait changer le cours du temps : empêcher la création des Terminator.

Pour toutes ces raisons, Sarah Connor incarne un modèle féminin au cœur de la pop culture. Et sa création il y a trente-cinq ans lui donne le statut de pionnière. Courageuse, intelligente et déterminée, cette femme faillible mais entière se transforme tout au long des longs-métrages, sans jamais perdre de vue qui elle était auparavant. Elle parvient à évoluer tout en restant fidèle à celle qu’elle a toujours été.

 

Pourquoi Sarah Connor est encore essentielle

Tout simplement parce qu’elle incarne un héroïsme bien trop rare aujourd’hui, un héroïsme qui se distingue de celui qui inonde nos écrans. Toutes ces caractéristiques – le courage, l’intelligence, ainsi que la capacité de réaction face aux situations complexes – sont bien trop souvent laissées de côté lorsque de nouvelles héroïnes sont imaginées.

Prenons, par exemple, un film récent d’une saga tout aussi iconique et pilier de la pop culture, Rogue One : A Star Wars Story (2016). Si, dans un premier temps, l’on est enthousiaste à l’idée d’avoir en tête d’affiche une femme (Jyn), après avoir vu le film, le ressenti est différent. Durant tout le long-métrage, l’héroïne ne fait que suivre le mouvement. Pourtant, la franchise a d’ores et déjà prouvé qu’elle savait mettre en scène une protagoniste active avec Rey, notamment dans Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force (2015). Cette jeune fille est résolument déterminée et valeureuse, et ce dès les premières minutes. Tout est donc dans l’écriture et la volonté des scénaristes de créer des rôles féminins capables d’évolution et de profondeur.

Star Wars : Le Réveil de la Force, réalisé par J.J. Abrams, 2015. © The Walt Disney Company France

Sarah Connor a permis d’ouvrir la voie à des personnages féminins dotés d’une force qui se trouve différente des démonstrations virilistes d’un grand nombre de héros masculins. Bien que l’on retrouve chez elle les codes des action heroes, elle dépasse l’archétype qui lui sert de moule. Et elle n’est pas la seule. À ses côtés, une autre figure mythique se dresse : celle d’Ellen Ripley (Sigourney Weaver) dans la saga Alien (1979-1997). Ici aussi, on voit une femme qui, dans une situation hors du commun, passe de pilote de vaisseau spatial − ce qui est déjà impressionnant en soi − à guerrière devant affronter une menace étrange. Un autre exemple, plus récent celui-ci, est Furiosa dans Mad Max: Fury Road (2015). Toutes ces protagonistes sont plus que convaincantes, mais pourtant en nombre insuffisant face à la prolifération de héros masculins unidimensionnels. Si ces derniers répondent bien au schéma classique de la construction de l’héroïsme dans la pop culture, ils restent majoritairement incapables de complexité. Mais les quelques films portés par des héroïnes telles que Sarah Connor remportent un grand succès auprès du public, nous poussant à espérer leur prochaine multiplication sur nos écrans.

Pour prendre les choses du bon côté, l’on pourrait se dire que tous ces constats ont de quoi nous rassurer quant à la future représentation de figures féminines différentes. Mais pour cela, il faut également que le septième art ne se contente pas de rebooter, de remaker, ou de surfer sur des modes. Il lui faut une impulsion sincère, et celle-ci commence par ouvrir les portes des salles d’écriture à des autrices et des auteurs pluriel-le-s. Petites filles comme petits garçons ont déjà quelques modèles féminins pouvant les aider, mais cela est loin d’être suffisant. Il ne reste donc plus qu’à souhaiter que l’industrie du cinéma s’en inspire à son tour et passe (enfin) à la vitesse supérieure.