Par ses peintures aux couleurs ocres et ses portraits du quotidien rural en Inde, Amrita Sher-Gil nous a légué un regard intime et sincère sur les gens de son pays natal. Née au début du 20e siècle, la jeune femme faisait exister l’autre par son art. Deuxième Page te partage aujourd’hui son court portrait pour sa série « The F-World ».
« Je peux seulement peindre en Inde. L’Europe appartient à Picasso, Matisse, Braque… L’Inde m’appartient. » – Amrita Sher-Gil, 1934, dans une lettre à un ami.
Si l’on fait grand cas de la bohème artistique du début du siècle dernier, on omet souvent le nom d’Amrita Sher-Gil parmi ses représentant-e-s. Pourtant, la peintre d’origine indienne et hongroise a laissé une œuvre conséquente, malgré son décès prématuré à l’âge de 28 ans. Autant d’années durant lesquelles elle a tenté de concilier les héritages de sa double culture.
Née le 30 janvier 1913, Amrita Sher-Gil prouve tôt qu’elle est une artiste aux multiples talents, dotée d’un caractère affirmé, lequel lui a d’ailleurs valu quelques ennuis, puisqu’elle s’est vue renvoyer de son école religieuse à la suite de la revendication de son athéisme. Elle commence à dessiner très tôt, le plus souvent les domestiques de la maisonnée auxquelles elle demande de poser pour elle. À 8 ans, elle prend ses premiers cours de peinture, en Inde, et se met également au violon afin d’accompagner sa sœur qui joue du piano.
Aujourd’hui principalement reconnue pour ses œuvres picturales, elle a scandalisé plus d’une fois les esprits bigots de l’époque en peignant son corps ou celui de ses amies, sans pudeur mais avec honnêteté ; sans les sexualiser, dans toute leur grandeur. À l’âge de 16 ans, elle accompagne sa mère à Paris et décide de s’y installer. Elle se forme ainsi à l’académie de la Grande Chaumière puis aux Beaux Arts. D’abord fortement marqué par le postimpressionnisme et le réalisme d’entre-deux-guerres, son style tend à se dépouiller par la suite. Amrita Sher-Gil se tourne progressivement vers ses origines indiennes.
À 21 ans, elle retourne en Inde afin de trouver des réponses sur ses interrogations au sujet de son identité. Elle puise alors son inspiration dans les écoles Mughal et Pahari du XVIIe siècle, ainsi que dans les peintures couvrant les grottes bouddhistes d’Ajanta. Fascinée par la philosophie, et plus particulièrement par les travaux de Gandhi, elle commence également à peindre des personnes modestes dans leur quotidien et la grande pauvreté qui sévit dans le monde rural.
En 1938, elle se marie avec son cousin qui s’installe avec elle, dans sa famille. Alors que sa première grande exposition personnelle va s’ouvrir à Lahore, elle tombe malade et s’éteint.
Animée par un appétit insatiable pour les couleurs, Amrita Sher-Gil est parvenue à créer son propre style. La mélancolie inhérente à ses tableaux et son formalisme en font la première peintre moderne indienne. En son temps, son influence fut considérable… Aujourd’hui encore, elle inspire de très nombreux et nombreuses artistes indien-ne-s et fait la fierté du gouvernement de son pays qui garde jalousement ses tableaux à l’intérieur de ses frontières, les traitant comme les trésors nationaux qu’ils sont.