Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Ouïghours : au Xinjiang, un lent et silencieux « génocide culturel » : le Parti communiste chinois est responsable de l’enfermement, dans des « camps de rééducation » (nom officiel des camps d’internement situés dans la province chinoise du Xinjiang), de plus d’un million de citoyen-ne-s issu-e-s des minorités musulmanes du pays, en majorité des Ouïghour-e-s, mais pas seulement. Le but ? Couper ces personnes de leur famille, de leur langue, de leur religion et de leur culture. Le chercheur allemand Adrian Zenz y voit un « génocide culturel ». La logique de séparation forcée des enfants de leurs parents permet au régime de garder le contrôle de la jeune génération, « élevée loin des lieux de culte, [qui] parle couramment chinois et [qui] conna[ît] l’idéologie du Parti sur le bout des doigts ». En juillet 2019, une lettre dénonçant la persécution des Ouïghour-e-s a été envoyée à l’ONU par 22 pays. Mais les autorités chinoises ne se sont pas démontées, elles ont rétorqué « en annonçant que 50 autres États, dont de nombreux pays musulmans, félicitaient la Chine pour sa politique au Xinjiang. […] Même la Turquie, qui avait qualifié en février la situation de “honte pour l’humanité”, a fait machine arrière en juillet, le président Erdogan affirmant lors d’une visite officielle en Chine que les gens vivaient “heureux” au Xinjiang ». [Libération]
  • Flâner, un privilège masculin : tout est dans le titre, flâner est un privilège masculin (et blanc). Pour les femmes, l’espace public est tantôt interdit, tantôt dangereux. Entre histoire et littérature, Lucie Azema raconte ce à quoi sont confrontées les femmes qui veulent occuper l’espace, ce qu’on leur a appris à craindre, mais aussi leur détermination à flâner et à voyager. « Prendre le large, c’est accepter d’avoir peur, de partir quand même ; surtout dans des situations où un homme ne se poserait jamais ces questions. » [Ma vie à Téhéran]
  • Gisèle Halimi : « J’avais en moi une rage, une force sauvage, je voulais me sauver » : (re)découvrir Gisèle Halimi, la célèbre avocate qui a lutté pour les droits des femmes, est toujours inspirant. Pour Le Monde, la féministe revient sur son histoire, sa carrière et ses combats. Cette femme courageuse et remarquable, à qui l’on doit beaucoup, a bousculé l’ordre établi et les conventions pour nous permettre d’exister plus librement. [Le Monde]
  • [Communiqué] Agression sexiste et islamophobe au Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté : il y a quelque temps, une femme portant le voile a été agressée verbalement par un élu du Rassemblement national (RN). Cette mère accompagnait bénévolement une sortie scolaire, pour la classe de son fils, se déroulant au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, à Dijon. Face à cette agression islamophobe et sexiste, de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leur indignation. Dans un communiqué, Lallab a notamment manifesté son soutien à cette femme et son fils, et nous nous joignons évidemment à l’association en relayant son texte. Ces situations sont intolérables. Plus que jamais, le besoin d’agir est urgent. La toxicité des débats en France, la violence de la haine de l’autre (des musulman-e-s, surtout) largement relayée dans les médias, sa normalisation… Tout cela favorise la parole raciste, mais aussi des actes ignobles, perpétrés par des personnes confortées par leur sentiment d’impunité. Comme Lallab, « nous demandons aujourd’hui que des mesures fortes soient prises par les politiques et la justice contre l’islamophobie en France. Nous leur demandons de condamner l’agression que cette mère et son fils ont vécue et de sanctionner Julien Odoul, qui a enfreint les règles et créé un trouble à l’ordre public. Nous en appelons aussi à la responsabilité des médias, qui participent à nourrir ce climat de terreur. Nous leur demandons de ne pas donner de tribune à des multirécidivistes de la haine raciale, de ne pas alimenter le racisme et le sexisme à l’endroit des musulman·e·s et d’assumer le rôle qu’ils entretiennent dans le développement de ce climat nauséabond ». Une pétition à l’adresse du président de la République a aussi été lancée, soutenue par 90 personnalités. Pour signer, c’est ici. [Lallab]
  • Revealed: Google made large contributions to climate change deniers : Google a fait des contributions « substantielles » à certains des climatosceptiques les plus notoires de Washington, rapporte le Guardian. « Parmi les centaines de groupes que la société a listés sur son site comme bénéficiaires de ses dons politiques, il y a plus d’une douzaine d’organisations qui ont fait campagne contre la législation relative au climat, ont mis en doute la nécessité d’agir, ou cherché activement à faire reculer les protections environnementales de l’ère Obama », est-il précisé. Dans la liste, on retrouve par exemple le Competitive Enterprise Institute (CEI), soit le groupe politique de droite qui a participé à la décision de Trump de quitter l’accord de Paris. Ainsi, malgré la mise en place de mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, Google n’hésite pas à vider ses poches sans fond au bénéfice de donataires douteux. En réponse, la défense de l’entreprise est franchement médiocre, puisque celle-ci consiste à dire « que sa “collaboration” avec des groupes comme le CEI “ne signifie pas que [qu’elle soutient] l’ensemble [de leur] programme », et à ajouter que Google est bien loin d’être la seule société dans ce cas, pointant du doigt Amazon. « Notre position sur la crise climatique est claire. Depuis 2007, nous sommes une entreprise carboneutre et, pour la deuxième année consécutive, nous avons atteint 100 % d’énergie renouvelable pour nos activités mondiales. » Cela les dispenserait-il donc d’une responsabilité morale ? Peut-on vraiment faire des dons à des groupes climatosceptiques déversant des sommes importantes dans la réalisation de leur agenda politique, tout en prétendant œuvrer pour la préservation de l’environnement ? Réponse courte : non. [The Guardian] [ENG]

 

Dans les carnets et l’agenda de Deuxième Page

  • Le projet de la semaine : il paraît que quand on aime, on ne compte pas. Bon, dans les faits, même quand on aime, on compte un peu chez Deuxième Page, parce qu’on n’a pas encore assez d’argent pour échapper à l’ISF. Du coup, aujourd’hui, on avait envie de te parler d’une démarche que l’on trouve vraiment cool et que l’on a soutenue avec quelques piécettes : Themiscyra, une plate-forme indispensable pour les passionné-e-s de super-héros, mais surtout de super-héroïnes. En tout, sa base de comics regroupe quelque 3 000 références en VF et VO. Le but est de partager au grand public l’histoire de personnages dont il ignore a priori l’existence, et de contrebalancer la représentation plus qu’inéquilibrée dans cet univers friand de spandex. Au-delà du blog, tu peux aussi la suivre sur Twitter et dévorer sa timeline. Au mois d’octobre, Themiscyra a lancé une campagne de financement participatif pour publier son Guide des comics VF de super-héroïnes, un fascicule qui réunira quelque 348 références de comics et te permettra de découvrir plus de 150 meufs hyper badass. Grâce aux sous récoltés, tu aideras à l’impression d’au moins 400 exemplaires et à la diffusion du produit auprès des partenaires de la plate-forme. On ne le sait que trop bien avec notre propre modèle économique : parfois, ce qui peut sembler n’être rien est en fait beaucoup pour les porteurs-ses de projet. Alors, si tu le peux, on t’invite à soutenir et/ou à partager. Tu as jusqu’au 29 octobre pour participer !

  • Le rendez-vous culturel de la semaine : le genre du documentaire est l’un des plus fascinants du septième art. Construire un récit fidèle à la réalité est une démarche délicate. Cela exige un regard singulier sur le monde, et une forme de réserve toute spécifique. La création cinématographique de Sébastien Lifshitz, et spécialement ses œuvres documentaires dans lesquelles se mêlent intime et politique, réunit toutes ces conditions. Au cœur de son travail, le réalisateur questionne le genre et ses manifestations, ainsi que la complexité et la multitude d’un être et de sa communauté. Deux de ses docus les plus marquants sont Les Invisibles (2012), où il met en lumière la vie et la résilience de femmes et d’hommes homosexuel-le-s né-e-s dans l’entre-deux-guerres, et Bambi (2013), qui retrace l’histoire de Marie-Pierre Pruvot, meneuse de revue et l’une des premières femmes trans connues en France. Ces deux longs-métrages, aussi riches que maîtrisés, sont sublimes et passionnants. Ils font à la fois le récit d’existences dans toute leur dimension émotionnelle, ainsi que celui de la lutte de chacun-e pour vivre librement. Jusqu’au 11 novembre 2019, le Centre Pompidou, à Paris, organise une rétrospective dédiée au cinéaste (une dizaine de films au total, dont certains restaurés en 4K), ainsi qu’une exposition gratuite, « L’Inventaire infini », dans laquelle il est possible de découvrir l’impressionnante collection de photographies de Lifshitz. Dans toutes ses créations visuelles, l’artiste raconte des vécus et nous les partage. Les informations pratiques sont disponibles ici.

 

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Image de une : Bambi, réalisé par Sébastien Lifshitz, 2013. © Epicentre Films