Entre apprentissage et évasion, 5 bandes dessinées jeunesse à dévorer

Il n’y a pas d’âge pour s’émerveiller, et les auteurs-rices de bande dessinée l’ont bien compris. À l’occasion du Festival des solidarités, on t’a concocté une petite liste de cinq œuvres qui s’adressent aux plus jeunes avec une telle finesse et intelligence qu’elles font aussi le bonheur des adultes. Des bijoux à partager en famille pour l’éveil et le plaisir de chacun-e.

Bergères guerrières

Autrice et auteur : Amélie Fléchais et Jonathan Garnier
Date de sortie : depuis 2017
Prix : 14,95 € le tome
Série en cours (3 tomes publiés sur 4)

Dans un village où tous les hommes aptes au combat sont partis depuis dix ans, on découvre l’histoire de la jeune Molly, qui a enfin atteint l’âge requis pour entamer son apprentissage de bergère guerrière. Au cœur de cet univers où se mêlent culture celtique et fantastique, les villageoises s’organisent pour se défendre contre les créatures ténébreuses et les bandits. Afin de s’assurer que la relève soit à la hauteur de leur force et de leur courage, elles forment les jeunes recrues. Et Molly et ses ami-e-s aspirent à répondre aux attentes de leurs aînées. Mais évidemment, tout ne se passe pas comme prévu. Alors même que leur apprentissage ne fait que commencer, ces novices font la rencontre de la terrible Malbête, monstre terrifiant, les poussant dans leurs derniers retranchements pour protéger leur village.

Bergères guerrières est un bijou graphique et scénaristique. Si l’histoire tient les lecteurs-rices en haleine, leur donnant envie de dévorer l’ouvrage à toute allure, le style unique, fin et délicat d’Amélie Fléchais les amène à prendre le temps de contempler chaque page. Cette bande dessinée se démarque en particulier par ses protagonistes, lesquel-le-s sortent des codes habituels du genre, comme la fillette timorée ou le garçonnet téméraire. D’ailleurs, l’auteur et l’autrice ne s’en cachent pas : il y a une volonté féministe derrière cette œuvre. Bien qu’il ne s’agisse pas du sujet principal, cette sensibilité sert à merveille le scénario qui, en plus d’être prenant, sort des sentiers battus. 

Seuls

Auteurs : Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti
Date de sortie : depuis 2017
Prix : 10,95 € le tome
Série en cours (11 tomes publiés)

Œuvre sérielle d’aventure fantastique, Seuls commence très fort : dans une ville qui semblait pourtant banale, les adultes se sont volatilisé-e-s. Dès le premier tome, on suit cinq enfants qui tentent de survivre tant bien que mal dans un monde où ils et elles sont totalement abandonné-e-s. Passé l’euphorie d’une vie sans contrainte, les difficultés du quotidien se font vite ressentir. Comment se nourrir ? Comment vivre sans la protection et l’amour de ses parents (quand on a eu la chance d’en avoir) ? Sans compter qu’à ces obstacles viennent s’ajouter d’effrayantes manifestations paranormales. Dodji, Leïla, Camille, Yvan et Terry ont beau être des enfants, ils et elles auront intérêt à bien s’organiser pour ne pas mourir.

Forte d’une intrigue aux rebondissements riches et inattendus, Seuls amène son jeune lectorat à s’intéresser à des questions délicates, comme l’appropriation des biens, le sexisme, le rejet et l’acceptation de la différence, ainsi qu’à des sujets particulièrement durs, tels le fascisme ou la maltraitance. Au travers de personnages fouillés et complexes, aux vécus aussi variés que leur tempérament, les deux auteurs nous racontent l’enfance, sans pour autant faire peser dessus l’idéal de pureté que les adultes ont tendance à lui prêter. Les enfants y sont dépeints sans ambages, pour le meilleur comme pour le pire. Tout cela donne à ces péripéties fantastiques un réalisme nous permettant d’accrocher immédiatement à l’histoire, et de retrouver dans ces pages une forme de catharsis.

L’Atelier des sorciers

Autrice: Kamome Shirahama
Date de sortie : depuis 2018
Prix : 7,50 € le tome
Série en cours (5 tomes publiés)

Vivant avec sa mère dans un petit village, Coco rêve de devenir sorcière. Ce qui est impossible, car dans son monde, on naît avec des pouvoirs magiques ou non. Aussi, en dépit de l’acquisition d’un beau livre de sorcellerie, elle est bien incapable de lancer le moindre sort. Ou du moins le croit-elle, jusqu’au jour où un sorcier du nom de Kieffrey se rend dans la boutique de tissus qu’elle tient avec sa mère. Profitant de l’occasion, elle l’observe à la dérobée tandis qu’il crée un charme. Elle comprend alors qu’il suffit de dessiner des incantations pour invoquer le surnaturel. Mais en recopiant les pentacles de son petit livre en cachette, Coco lance par erreur un sort de pétrification sur sa mère, et sa passion tourne au cauchemar. Dès lors, Kieffrey prend la jeune fille sous son aile et va lui apprendre à devenir une sorcière suffisamment puissante pour lever le maléfice.

Manga d’une artiste reconnue internationalement, L’Atelier des sorciers est un régal pour les yeux. L’encrage a la finesse des meilleures estampes, tandis que la composition des pages permet une lecture fluide qui transporte les lecteurs-rices. Dynamique et doux à la fois, le dessin sublime le récit, qui n’est pas en reste. L’héroïne possède autant de gentillesse que de courage, et c’est un véritable plaisir de suivre la richesse de ses rencontres et l’ingéniosité dont elle fait preuve. Le tout se déroule au cœur d’une intrigue des plus prenante où chaque action a des conséquences, qu’elle soit malveillante  ou animée des meilleures intentions.

Les Nombrils

Autrice et auteur : Maryse Dubuc et Marc Delafontaine
Date de sortie : depuis 2006
Prix: 10,95 € le tome
Série en cours (8 tomes publiés sur 10)

Les Nombrils est à l’image de la morale de son histoire : il ne faut pas se fier aux apparences. Derrière un style simple et un humour parfois dérangeant se cachent des questions profondes sur les relations et la confiance en soi. Karine, adolescente naïve au grand coeur, a deux amies prêtes à tout pour rester les filles plus populaires du lycée. Elle en fait les frais au quotidien. Réservée, elle est la première surprise lorsqu’un garçon s’intéresse à elle. Cette rencontre va marquer le début de sa lente progression vers l’acceptation d’elle-même. Au fil des vacheries qu’elle subit, Karine apprend à tenir tête à ses amies, égoïstes, les poussant à remettre en question leur comportement.  Leurs relations sont souvent houleuses, les disputes récurrentes et les déceptions cuisantes. Malgré tout, chacune se relève grandie de ces épreuves. 

Maryse Dubuc et Marc Delafontaine abordent sous forme de caricature les aléas de la vie de lycéennes victimes d’un système poussant à la superficialité. Sous couvert d’un humour potache, il et elle développent des sujets difficiles, comme la pauvreté, l’homophobie et la manipulation. Le tout mis au service d’un jeune lectorat avide de trouver des réponses à ses questions relationnelles.

Le Prince et la Couturière

Autrice : Jen Wang
Date de sortie : 2018
Prix : 22 €

Jeune couturière de talent, Francès se voit un jour offrir un travail pour le moins singulier : créer en cachette des robes pour le prince Sébastien. C’est l’occasion rêvée pour cette artiste en herbe d’exprimer toute sa créativité sans contrainte. Dès lors, elle aide le prince à se transformer chaque nuit en la magnifique Lady Crystallia. Grâce à ce personnage, Sébastien échappe à la pression insupportable des responsabilités qui pèsent sur lui, sous l’œil bienveillant de Francès, qui devient rapidement son amie. Mais malheureusement, les secrets ont un coût, et le talent de la jeune couturière flétrit peu à peu dans l’ombre, emprisonnée par la double vie du prince. À quoi bon pouvoir s’exprimer librement si on ne peut partager son art avec personne ?

Avec beaucoup de malice et d’intelligence, Le Prince et la Couturière se plaît à jouer avec le genre. À travers une situation simple rendue complexe par des injonctions, Jen Wang amène ses lecteurs-rices à se poser des questions sur la construction personnelle. Comment être soi-même en dépit des attentes parentales et sociales ? Comment se construire sans décevoir ni blesser les gens que l’on aime ? Avec son trait doux et harmonieux qui façonne les expressions tout en justesse, la dessinatrice met en images une intrigue passionnante, nous sensibilisant à la tolérance, aussi bien envers les autres qu’envers soi-même. Une vraie pépite, récompensée du prix jeunesse au festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 2019.