Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Faut-il parler des déterminismes sociaux aux jeunes qui les subissent ? : aujourd’hui encore, les conditions de naissance déterminent en grande partie le destin social de chacun-e. Rachid Zerrouki est professeur en classe Segpa et journaliste. Dans cet article, il s’interroge sur la pertinence d’expliquer les mécanismes de reproduction sociale à ses élèves issu-e-s de milieux défavorisés. Ce serait leur faire comprendre qu’en raison de ceux-ci, elles et ils ont statistiquement peu de chances de réussir leurs études. Mais « énoncer brutalement les règles du jeu risque donc de décourager les participants les plus vulnérables. » L’autre alternative, celle de la fable méritocratique « consiste à faire croire […] que la réussite scolaire ne dépend que des efforts fournis, du mérite et rien d’autre. » Rachid Zerrouki, lui, est plutôt partisan d’un entre-deux. [Libération]
  • Cadeaux des grands labos : des médecins sous influence ? : selon la base de données « Transparence Santé », le montant des « cadeaux » faits par les grands laboratoires pharmaceutiques aux médecins s’élève au moins à 260 millions d’euros pour l’année 2016. L’article revient sur une étude analysant les conséquences de telles pratiques sur les professionnel-le-s de la santé. Il en ressort par exemple que « plus les médecins reçoivent des cadeaux de la part des labos, plus ils ont de mauvais résultats selon les indicateurs de qualité et de quantité fixés par les chercheurs. » Ces pots-de-vin qui ne disent pas leur nom peuvent prendre de multiples formes : « offrir un petit déjeuner, un repas, ou même une invitation à un séminaire au soleil. » [Basta !]
  • Retraites: 12 idées reçues à combattre, le guide d’autodéfense : on le sait, il peut parfois être difficile de répondre aux arguments de nos proches sur des sujets politiques. Et depuis le 5 décembre 2019, qui a marqué le début de la grève contre la réforme des retraites, les conversations peuvent être plus que tendues. Anaïs Henneguelle y a pensé, et a publié sur Médiapart un guide d’autodéfense contre 12 idées reçues au sujet de ladite réforme. De la classique « l’espérance de vie augmente » à la fameuse « le nouveau système bénéficiera aux femmes et aux familles », tout y est. C’est un article bienvenu qui fournit une liste de réponses à quiconque aurait besoin d’un support. L’autrice répertorie, pour chaque idée reçue, des arguments appuyés par des chiffres, des sources et des exemples. [Le Club de Mediapart]
  • Photo Series Shows Non-Binary People as They Want to Be Seen : le travail de Laurence Philomene, photographe à Montréal, s’intéresse à l’identité, à la théorie des couleurs et aux communautés queer. L’artiste non binaire remarque que la représentation des personnes trans dans les médias est « parasitaire » : créateurs-rices, publications et entreprises utilisent parfois les corps transgenres comme des gages de leur progressisme – des tokens. Bien souvent, les concerné-e-s ne sont pas consulté-e-s et ne peuvent pas choisir la façon dont elles et ils sont représenté-e-s. Se pose alors la question de l’exploitation mercantile des corps, des identités et des vies de personnes toujours marginalisées dans nos sociétés, victimes des stéréotypes et de violences, mais paradoxalement omniprésentes dans les médias, où leur représentation est bien souvent erronée ou caricaturale. Laurence Philomene a donc travaillé sur une série de portraits de personnes non binaires qui s’articule autour de la question : « Quel est ton toi idéal ? » Dans cette interview, l’artiste explique les subtilités de la non binarité et l’importance de la collaboration dans la représentation des communautés LGBTQIA+. [Teen Vogue] [ENG]
  • Austerity is a political choice, not an economic necessity : Clara Mattei et Sam Salour font un rappel logique, mais nécessaire : les économistes néolibéraux-les (prisé-e-s par les médias) se présentent souvent comme des technocrates neutres, mais elles et ils sont en réalité partisan-e-s du statu quo. Face aux crises économiques modernes, les politiques d’austérité sont ainsi souvent recommandées et appliquées. Mais leurs résultats sont dévastateurs. En Grande-Bretagne, cela a conduit à une « augmentation des inégalités raciales ; [à] la dégradation des écoles publiques et de la santé publique et d’autres services publics ; et [à] un désastre généralisé pour les personnes en situation de handicap. » Les deux universitaires reviennent ici sur un livre qui a fait polémique : Austerity: When it Works and When it Doesn’t, coécrit par un professeur de Harvard, Alberto Alesina, et encensé par des figures telles que le journaliste économique britannique Martin Wolf. « Nous sommes d’accord avec Wolf pour dire que [le livre est] extrêmement important. Non en raison de ses accomplissements scolastiques […], mais plutôt en raison de son caractère idéologique servant à justifier sans vergogne les politiques néolibérales oppressives qui sont toujours mises en œuvre dans le monde entier. Alesina et ses coauteurs tentent de sauver l’austérité de son extinction en arguant qu’il existe une distinction empirique entre deux types d’austérité. La première, fondée sur des augmentations d’impôt, nuit selon eux à l’économie ; tandis que l’autre, fondée sur des réductions des dépenses, a moins d’effets de récession et peut même stimuler l’économie. En mettant en avant cette distinction, les auteurs finissent par défendre les politiques économiques nuisibles qui se produisent dans la plupart des pays occidentaux, y compris aux États-Unis : réductions agressives des impôts (en particulier de l’impôt sur les sociétés) et des dépenses d’intérêt public. En d’autres termes, ce livre – et son acclamation publique dans les médias grand public – est un exemple révélateur de la façon dont le discours économique néolibéral est rendu technique et en apparence “dépolitisé” pour justifier les politiques coercitives de l’État en faveur des 1 %. […] La rhétorique néolibérale déguise toujours la coercition sous-jacente à l’austérité – un programme politique pour renforcer la croissance capitaliste tout en réaffectant le fardeau des échecs du capitalisme à la majorité de la population. Cela exige la subordination des travailleurs-ses par l’augmentation du chômage, la réduction des salaires, la réduction des dépenses sociales, l’érosion des solidarités sociales, la diabolisation des immigré-e-s, le déchirement des communautés et, finalement, la hausse des niveaux d’exploitation. » [The Guardian] [ENG]

 

Sur les écrans et dans la bibliothèque de Deuxième Page

  • RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : adaptation de la série transmédia norvégienne Skam, Skam France est structurée de manière similaire : chaque saison se concentre sur un personnage, chaque épisode est découpé en scènes diffusées en temps réel, et chaque personnage a un compte Instagram, lequel est mis à jour pendant et après la diffusion des épisodes. La série originale a rencontré un tel succès qu’après son ultime quatrième saison, elle a été déclinée dans de nombreux pays tels que, entre autres, l’Allemagne, l’Espagne, ou les États-Unis. Comme la version norvégienne, Skam France a vraiment fait parler d’elle lors de sa saison sur Lucas, explorant l’homosexualité et la bisexualité, ainsi que les maladies mentales. Après deux premières saisons très semblables à la version originale, l’adaptation française a su trouver son rythme et son identité en apportant les changements nécessaires pour faire le portrait d’adolescent-e-s vivant en France, de manière très authentique. Chaque situation, bien qu’un peu romancée, est extrêmement réaliste. De plus, le dispositif transmédia ancre ces personnages et leurs histoires dans notre quotidien, et rend le propos de la série et sa portée d’autant plus forts. Véritable succès, Skam France est le premier remake à avoir droit à deux saisons supplémentaires, complètement originales. La cinquième a débuté le 31 décembre 2019 et s’intéresse au personnage d’Arthur, ami de Lucas, et au sujet des handicaps invisibles. Elle est disponible sur YouTube et France TV Slash.

Skam France, depuis 2018. © France Télévisions

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : après le beau Comme un million de papillons noirs, Barbara Brun et Laura Nsafou récidivent avec la sortie le 8 janvier 2020 de l’album jeunesse Le chemin de Jada, venant étoffer la géniale collection Sorcières des éditions Cambourakis. Les illustrations nous plongent dans un monde onirique, peuplé de soleil flamboyant et d’étoiles scintillantes, tandis que l’écriture nous attrape avec une histoire aussi touchante qu’indispensable sur la multitude des beautés. L’illustratrice et l’autrice se confrontent au sujet du colorisme, subtilement traité dans cet ouvrage. Discrimination envers certaines personnes racisées selon la couleur de leur peau, le colorisme est une valorisation des peaux plus claires, considérées comme plus jolies (car se rapprochant des groupes dominants, donc des personnes blanches) qu’une peau plus sombre. Le chemin de Jada est un vrai petit bijou, aussi doux qu’inspirant, qu’on te recommande chaudement !

 

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Image de une : Le chemin de Jada, Barbara Brun et Laura Nsafou, 2020. © Éditions Cambourakis.