Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • BlackRock et les retraites : pourquoi et comment le gestionnaire d’actifs joue un rôle dans la réforme : depuis quelque temps, les soupçons concernant l’implication de la société financière BlackRock dans les projets de réforme des retraites du gouvernement ne cessent de grossir. Cet article explique le fonctionnement de cette société et éclaire les faits. BlackRock est l’un des principaux actionnaires du CAC 40 et « profite donc largement du cash que les multinationales françaises distribuent au détriment de l’investissement, des salaires et… des cotisations sociales, dont la retraite. » L’entreprise a tout intérêt à ce que la réforme des retraites se fasse et effectue beaucoup de lobbying en ce sens. En juin 2019, BlackRock a d’ailleurs publié un document qui encourage le gouvernement français à « confier à des sociétés financières privées la gestion d’une partie de l’assurance-retraite. » [Basta !]
  • Interrogée, la communauté Wikipédia française rejette massivement l’écriture inclusive : la communauté française bénévole de Wikipédia a consciemment décidé de ne pas utiliser l’écriture inclusive. Les propositions qui ont reçu un très haut pourcentage d’avis défavorables sont celles concernant l’usage « de la typographie dans les termes eux-mêmes ou utilisation de mots inventés non-binaires. » Les résultats du sondage étonnent peu lorsqu’on sait que 80 % des contributeurs-rices de Wikipédia sont des hommes (chiffres de 2019). Plusieurs choses peuvent expliquer la sous-représentation des femmes parmi les bénévoles : « atmosphère générale trop misogyne, fonctionnement trop conflictuel, comportements sexistes de certains internautes, froideur des rapports sociaux sur le site, manque de confiance en soi, crainte de voir ses éditions être rejetées, manque de temps. » [Numerama]
  • Assemblée : les cas de harcèlement moral explosent depuis le début du quinquennat : en ce début d’année 2020, les syndicats ont alerté sur l’explosion des cas de harcèlement moral et sexuel à l’Assemblée nationale. Des remarques déplacées jusqu’aux agressions sexuelles, les harceleurs agissent en toute impunité au sein du Palais Bourbon, et ce depuis bien longtemps. Au mois de mars 2019, une enquête du collectif Chair collaboratrice révélait qu’une employée de l’Assemblée sur deux était victime de « blagues sexistes ou sexuelles ». Fait assez peu étonnant, les harceleurs n’ont habituellement pas à répondre de leurs actes, et se retrouvent même souvent « promus ou maintenus ». Un responsable syndical affirme que « 34 % des collaborateurs sont partis » entre février 2018 et octobre 2019, suite à de nombreuses brimades et réflexions ayant mené à une perte de confiance en soi. Une cellule de prévention et d’accompagnement des victimes a été mise en place en janvier 2020. Les syndicats ont envie de croire en ce nouvel outil, et « espèrent qu’il ne sera pas “de l’affichage”, déplorant également ne pas y avoir été associés. » [RTL]
  • Vanessa Springora : « Le grand méchant loup peut avoir une apparence très séduisante » : Vanessa Springora l’affirme, « écrire c’est la meilleure manière de me réapproprier cette histoire, parce que c’est avec ses livres qu’il m’en a dépossédée. » Le 2 janvier 2020 est paru son livre, Le Consentement. On y découvre le quotidien d’une adolescente de 13 ans sous l’emprise de « G.M. », pour Gabriel Matzneff, de trente-six ans son aîné. L’autrice raconte comment, fascinée par la littérature et ses grandes figures, elle a consenti à cette histoire aux dynamiques de pouvoir déséquilibrées, elle qui aimait sincèrement Matzneff, lui qui traquait les adolescent-e-s. Au magazine Elle, Springora a accordé une interview édifiante sur cette relation abusive, ses conséquences et son processus de guérison. On y découvre la violence d’une adolescence volée et la difficulté de comprendre que de cette relation ne pouvait naître que la souffrance. Vanessa Springora a assisté, année après année, au succès d’un auteur dont les textes vantent des pratiques pédocriminelles : « Dans Les moins de seize ans, qui comporte des phrases abominables, il parle de ses “amours mercenaires”, quand il va dans les pays en voie de développement pour chercher des petits garçons ou des petites filles. À 15 ans, j’ai compris confusément que j’étais face à quelqu’un qui était une sorte de Narcisse, à qui je servais d’objet sexuel. » Le Consentement met à jour la perversité de l’homme, et les conséquences ravageuses de cette histoire sur la vie de l’autrice. C’est un Matzneff manipulateur, calculateur et fier de clamer haut et fort ses actes illégaux que l’on découvre. L’autrice parle même de « sa fierté à défier les limites en fanfaronnant. » Elle, en revanche, s’est retrouvée isolée et brisée après la rupture qu’elle a initiée : « J’étais désocialisée, déscolarisée… Il n’était pas question de retourner chez ma mère, quelque chose était cassé dans notre relation. J’ai habité avec des garçons, je suis passée d’histoire en histoire. J’ai fait aussi beaucoup d’excès, alcool, drogue… » Aujourd’hui, elle prend la plume, non pour se faire porte-parole d’une cause mais pour donner sa version des faits puisque depuis des décennies, Gabriel Matzneff raconte, dans ses livres, ses relations avec de jeunes adolescent-e-s anonymes, cachant bien artificiellement leur identité derrière leurs initiales. Cette histoire, c’est certes celle de Springora mais elle souhaitait que l’ouvrage résonne auprès des lecteurs-rices, et pour cela, quoi de mieux que l’usage des initiales pour désigner son agresseur ? « Je l’ai détourné à ma manière, pour permettre aussi aux lecteurs de projeter sur lui un personnage universel de prédateur sexuel. Ce n’est pas un ouvrage de délation, mais une œuvre littéraire qui n’est pas dans le registre du témoignage, même si j’assume cette dimension. » [Elle]
  • Le Sénat vote la PMA pour toutes mais limite le remboursement par la Sécu : le mercredi 22 janvier 2020, le Sénat a adopté, non sans controverse, l’article premier du texte de projet de loi bioéthique ouvrant la PMA « à toutes les femmes », c’est-à-dire aux femmes seules et aux couples de femmes. Cependant, un amendement réservant le remboursement total de la procédure aux couples répondant à un « critère médical » (les couples, en l’occurrence hétérosexuels, ayant recours à la PMA pour cause d’infertilité ou de maladie grave) a été ajouté au texte. Cette privation est une discrimination évidente envers les couples de femmes et les femmes seules, et peut être perçue comme mesure dissuasive. De plus, certaines questions restent encore et toujours sous silence, notamment concernant l’accès à la PMA pour les personnes trans. [Nouvel Obs]

 

Sur les écrans et dans la bibliothèque de Deuxième Page

  • RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : en pleine explosion du Marvel Cinematic Universe (MCU, pour les intimes) sur grand écran, une série diffusée de 2017 à 2019 sur Hulu a su tirer son épingle du jeu. Basée sur le comics éponyme de 2003 créé par Brian K. Vaughan, Runaways suit un groupe de cinq adolescent-e-s fuyant leurs familles après avoir découvert que leurs parents étaient des super-méchants. Sans trop tomber dans les tropes du film de super-héros (ici pas de demi-dieu avec une cape ou de plans machiavéliques pour anéantir l’univers), la série explore de multiples dimensions liées à son genre – super-pouvoirs, aliens, sorcellerie, technologie –, avec une équipe de justiciers-ères très humain-e-s créant un lien fort avec le public. À travers les expériences de Molly, Karolina, Nico, Gert, Chase et Alex, chacun-e en marge de la société à sa manière, Runaways traite des questions d’identité, de relations humaines, de famille et surtout de survie. C’est avant tout une histoire touchante, à la fois très personnelle et universelle, de découverte de soi dans un monde qui nous dicte sans cesse qui et quoi être. Avec, bien sûr, quelques scènes d’actions jubilatoires. Le show a pris fin en décembre dernier, tu peux donc te lancer sans avoir peur d’une annulation inopinée !

Runaways, développée par Josh Schwartz et Stephanie Savage, 2017-2019. © Hulu

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : après Les sentiments du prince Charles (où elle disséquait le mariage en tant que construction sociale historique), Liv Strömquist revenait en 2016 avec une nouvelle bande dessinée : L’origine du monde (éditions Rackham). En une centaine de pages, la créatrice retrace une partie de l’histoire de la vulve, annihile les a priori sur la sexualité féminine, pour finalement nous dévoiler l’évolution de leur perception dans la sphère publique. Pas à pas, dans son style singulier, elle déconstruit et tord le cou aux idées reçues, notamment concernant la binarité supposée de nos sexualités. Des mythes aux préconceptions, en passant par les théories fumeuses populaires toujours propagées par des hommes (des philosophes aux médecins), on passe par tous les registres pour apprendre et comprendre d’où provient cette honte du corps et du plaisir. L’origine du monde nous transporte dans la stupéfaction, la colère et le rire, avec pédagogie et un petit boost pour l’acceptation de soi.

 

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Image de une : Vanessa Springora. © Éditions Grasset/JF Paga