Les coups de cœur de Think tank by 2P
- Hôtel Ibis des Batignolles : une grève emblématique des femmes de chambre : en 2012, grâce à leur résilience, les femmes de chambre du Campanile de Suresnes ont réussi à mettre fin à la sous-traitance dans leur hôtel. Une victoire admirable, rendue possible par leur détermination et leur courage. Ces dernières années, des grèves similaires se sont multipliées, dénonçant les conditions de travail, l’invisibilisation des travailleuses, leur précarisation. Depuis près de sept mois, les femmes de chambre de l’Ibis Batignolles, dans le nord-ouest de Paris, sont en grève. Elles réclament une revalorisation de leurs conditions de travail, et pour l’instant ne sont pas entendues. Dans son mémoire, Tiziri Kandi s’intéresse à ce sujet. Elle explique dans cette interview que « ce qui revient […] souvent dans les mobilisations, c’est le droit au respect, à la dignité et à la reconnaissance du travail effectué. Les grévistes disent souvent que ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes noires qu’elles doivent être déconsidérées. D’ailleurs, ce sont ces personnes qui sont souvent préférentiellement employées par les sous-traitants parce qu’elles sont considérées comme “arnaquables”. » Elle poursuit : « Pour elles, la grève est un moment d’émancipation et de libération de la parole. Elle leur permet de découvrir leurs droits. Elles mettent des mots sur des pratiques et comprennent qu’il y a du travail dissimulé. Finalement la lutte leur permet d’être envisagées différemment. Et certaines deviennent par la suite militantes et créent des sections syndicales là où elles travaillent. » Pour participer à la caisse de grève pour soutenir les grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles, c’est par ici. [Contretemps]
- Bouteille à la mer d’une prof d’anglais qui n’y comprend plus rien : Florence Arié, professeure d’anglais au lycée, décrit dans ce court article son quotidien de ces derniers mois. Son écriture ne manque pas d’humour, mais les faits relatés ne sont pas en eux-mêmes franchement drôles. Les réformes successives des programmes scolaires qui se contredisent, le flou total quant aux modalités d’examens et la précarité des salaires : en France, le milieu de l’éducation est depuis des années attaqué et fragilisé par les différents gouvernements. [Le Club de Mediapart]
- Ne me demandez plus si le racisme anti-asiatique existe vraiment : l’épidémie du coronavirus est l’un des sujets au cœur de l’actualité de ces dernières semaines. On parle un peu moins du racisme de plus en plus décomplexé que subissent les personnes d’origine asiatique en raison de cette actualité. Le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus est utilisé sur les réseaux par les victimes de cet acharnement pour visibiliser ce qu’elles subissent actuellement. Le racisme anti-asiatique n’est néanmoins pas nouveau, et le problème est d’autant plus complexe que ce dernier est « constitué dans l’inconscient collectif par des stéréotypes que l’on estime positifs – les individus asiatiques seraient travailleurs, discrets, dociles, bons immigrés, champions de l’intégration –, le racisme anti-asiatique prend des allures de compliments racistes » et permet « de dévaloriser par comparaison les autres communautés “mal-aimées” –noire, arabe, juive ou rom, par exemple ». [Slate]
- Omerta sur la discrimination raciale à l’embauche dans les grandes entreprises : le gouvernement avait commandé une étude sur la discrimination à l’embauche envers les personnes d’origine maghrébine au sein des grandes entreprises. Et les résultats sont sans appel : « Les candidats nord-africains ont près de 20 % de réponses en moins que les candidats français. » Plus l’entreprise est de taille importante, plus cela s’accentue. Pour le moment, ni l’État ni les organisations patronales ou de managers ne se sont exprimés sur ces conclusions qu’ils détiennent pourtant depuis plusieurs mois. [Le Club de Mediapart]
- How do we become biased? : des chercheurs-ses se sont intéressé-e-s à la façon dont les préjugés influencent nos vies. Comment nous les apprenons et sommes incapables de les déceler chez les autres. Pour cela, les scientifiques se sont penché-e-s sur des indices au sein du paysage culturel, à l’instar du nombre réduit de personnages féminins dans les films pour enfants, ou encore la rareté des ouvrages littéraires pour les plus jeunes s’intéressant aux stéréotypes raciaux. C’est par ce que véhicule la culture, la société tout entière, que l’on finit par croire que c’est ainsi que les choses fonctionnent. « Les stéréotypes [sont] intégrés dans nos définitions mêmes du leadership, de la réussite et de l’emploi. Par conséquent, cela exacerbe notre incapacité à voir les comportements biaisés chez les autres – notre cécité quant aux préjugés (bias blindness). » Pour ces chercheurs-ses, les entreprises et organisations ne sont évidemment pas à l’abri de ce genre de préjugés (et prennent en exemple l’écart salarial entre les hommes et les femmes). « Pour contrer le problème, nous recommandons d’aller au-delà de la formation et de commencer par une approche de pensée conceptuelle : commencer par des projets pilotes tangibles et informatifs avant de les déployer à l’ensemble de l’organisation. » En somme, il est nécessaire d’agir pour lutter contre ces préjugés, de mettre en place des dispositifs, et de changer les représentations dans la culture. [Fast Company] [ENG]
Dans la bibliothèque et sur l’écran de Deuxième Page
- #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : Maeve, Otis, Ola et les autres ont rempilé pour la seconde saison de Sex Education, disponible depuis le 17 janvier 2019 sur Netflix. Pour accompagner la sortie en grande pompe de cette nouvelle saison – par ailleurs très réussie – la plateforme a fait appel à la photographe et réalisatrice Charlotte Abramow pour chapeauter l’élaboration d’un manuel ludique et illustré traitant des sexualités (la jeune femme est plus connue du grand public pour sa collaboration avec Angèle et la censure temporaire – et injustifiée – par YouTube de son clip « Les Passantes », en 2018). En une soixantaine de pages, les contributrices et contributeurs proposent un petit guide coloré, clair et accessible à tou-te-s. De manière inclusive et décomplexée, l’ouvrage parle des genres, des corps, des sexualités, de moyens de contraception, de protection. Le manuel était totalement gratuit à la commande mais, victime de son succès, il est désormais seulement disponible en PDF téléchargeable. Comme l’écrit Charlotte Abramow pour clôturer le livre : « Ce manuel t’a peut-être chauffé·e… Mais n’oublie pas que le consentement, c’est le plus important et que NON, c’est NON. »
- RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : en matière de sublime étrangeté, cette dernière décennie, on n’a pas fait beaucoup mieux qu’Adventure Time. Les aventures de Finn (l’humain) et de Jake (le chien) en dix saisons laisseront dans l’histoire du dessin animé une marque indélébile –, et dans nos cœurs aussi. On pourrait évoquer l’univers déjanté, les blagues de pets, la beauté esthétique, la qualité de l’animation, la complexité des personnages, l’avant-gardisme et l’originalité de la série tout entière… Mais parlons plutôt de ce qui fait la véritable force d’Adventure Time : sa non-compromission absolue. Le problème des créations destinées aux plus jeunes est leur propension à les croire plus bêtes qu’ils et elles ne le sont réellement. Adventure Time, elle, fait totalement confiance à son public, peu en importe l’âge. Cette façon de raconter des histoires sans jamais opter pour un didactisme manifeste, de mettre ses protagonistes dans des situations souvent absurdes mais aux enjeux toujours moralement complexes, est rare et précieuse. Ici, chacun-e existe dans sa multiplicité, se transforme et évolue. Le monde postapocalyptique de Ooo est à la fois l’expression d’un imaginaire débridé et collectif, mais surtout le lieu d’une quête initiatique, celle de Finn, et la nôtre, également. Le noyau d’Aventure Time est aussi doux-amer que la perte de notre innocence. Il s’enveloppe de la légèreté de nos jeux d’enfants. De l’extravagance du show naît une forme de poésie singulière, une délicatesse poignante qui donnent à nos larmes la saveur du bonheur.
Les articles les plus lus sur Deuxième Page
- Birds of Prey de Cathy Yan, ou l’impossible émancipation de Harley Quinn (2020) : comme à son habitude, Annabelle voit au-delà des paillettes et de notre enthousiasme. Elle nous explique les limites de Birds of Prey et du récit de Harley Quinn, qui peine à s’émanciper de notre société misogyne et capitaliste.
- The F-World #16 : Louise Farrenc, l’art de la composition musicale à l’ère du romantisme : le nom de Louise Farrenc ne te dit sûrement rien. C’est pourtant celui d’une figure incontournable du XIXe siècle en France. Pianiste, compositrice, professeure, concertiste et éditrice de musique, son œuvre mérite d’être reconnue.
- Féminisme pour les 99 % : le féminisme sera anticapitaliste ou ne sera pas : l’ouvrage Féminisme pour les 99 % est un outil précieux pour réinventer notre militantisme. Car « le féminisme ne peut être qu’écologiste, antiraciste, anti-impérialiste, pacifiste, anticapitaliste et internationaliste ».
- Broad City, une ode à la sororité sans compromis : pour Maëva, la série Broad City dépasse les limites des contraintes sociales imposées aux femmes pour les invisibiliser et, ce faisant, renverse l’ordre patriarcal, un épisode après l’autre. Ça te dit ?
- Mémorandom #61 : Faut-il me voir pour le croire ? : dans ce Mémorandom introspectif, Nina te raconte comment elle a trouvé sa place en tant que femme trans, malgré les normes sociales imposées depuis l’enfance. Une confidence nécessaire.
Image de une : Adventure Time #54, écrit et illustré par Christopher Hastings et Ian McGinty. Couverture par Veronica Fish, 2016. © Boom