L’Âme du monde est un conte de Frédéric Lenoir, publié en 2012. Au Tibet, sept sages se réunissent face à l’imminence d’un cataclysme planétaire afin de transmettre à deux adolescents les enseignements de la sagesse universelle. Un best-seller à découvrir ou à relire sans plus tarder, afin ne pas entretenir les clivages d’une société morcelée et approfondir une réflexion autour de la paix.

 

Frédéric Lenoir est écrivain, mais aussi chercheur, sociologue, conférencier, directeur du magazine Le Monde des religions, producteur et animateur. Son parcours éclectique et les sujets qu’il aborde font de lui un auteur incontournable et parfois controversé de ces dix dernières années. Passionné de philosophie, il a vécu un temps en Inde chez des bouddhistes tibétains, puis dans la Communauté Saint-Jean après avoir été « percuté par les paroles de Jésus ». Fort de sa capacité à rendre simple et accessible une pensée humaniste spirituelle, ses sujets de prédilection demeurent la religion et la spiritualité. Certain-e-s lui reprochent d’en avoir fait un véritable business, qu’il alimente régulièrement, d’autres de ne pas prendre assez de distance par rapport à ses propres convictions religieuses. Frédéric Lenoir se dit chrétien, mais vit sa foi de façon très personnelle, loin de l’Église et des dogmes. Socrate, Jésus et Bouddha sont « ses trois maîtres de vie », et c’est de leurs apprentissages qu’il puise sa force d’écriture.

En 2012, il publie un livre intitulé L’Âme du monde, un conte initiatique particulièrement ancré dans les problématiques mondiales actuelles. « Pressentant l’imminence d’un cataclysme planétaire, sept sages venus des quatre coins du monde se réunissent à Toulanka, monastère perdu des montagnes tibétaines, pour transmettre à Tenzin et Natina, deux jeunes adolescents, les clés de la sagesse universelle », nous dévoile la quatrième de couverture. Pour ces sept sages, pas question de valoriser une croyance, mais bien de les conjuguer toutes autant qu’elles existent, afin de pouvoir construire un dialogue de paix. Chaman, athée, mystique indienne, maître taoïste chinois, rabbin kabbaliste, moine chrétien, maître soufi musulman et moine bouddhiste vont dispenser leurs enseignements pour protéger la force universelle qui maintient l’harmonie entre les humains, qu’ils appelleront ensemble l’âme du monde.  L’auteur part d’un constat :

Par sa convoitise sans limites, l’homme est en train de piller et de dérégler l’harmonie qui gouverne le monde. En abîmant la terre, c’est lui même qu’il condamne. Car le monde et la vie lui survivront, mais lui même est en train de creuser son propre tombeau.

[…] 

Les religions du passé ont en partie échoué dans leur mission de convertir le cœur de l’homme, parce qu’elles ont trop souvent préféré asseoir leur emprise sur le monde plutôt que de servir l’humanité. Elles sont trop souvent devenues des lieux de pouvoir au profit des diverses communautés humaines, alors qu’elles devaient être des phares pour le monde entier. La sagesse que tu transmettras ne servira aucun clan, aucune ethnie, aucun peuple, au détriment d’un autre. Elle servira tout être vivant pour l’aider à s’accomplir dans une responsabilité et un amour universels*. 

Des mots qui, en les (re) lisant aujourd’hui, prennent une tout autre dimension. Depuis les attentats survenus à Paris, le 13 novembre 2015, un climat anxiogène règne sur la France, alors que les citoyen-ne-s essayent de panser/penser leurs blessures physiques, psychiques et morales. Leurs réactions, aussi variées soient-elles, convergent vers une seule et même question, a priori insolvable pour qui fait preuve d’humanité et d’empathie : comment peut-on perpétrer de tels actes de barbarie ? Un sentiment d’incompréhension qui génère les peurs les plus vives, et parfois, des réactions d’une grande violence. Mais rendre coup pour coup, c’est aussi nourrir l’engrenage de la fureur, en en oubliant sa source : la pensée humaine. À cela, Frédéric Lenoir réplique :

Ce ne sont pas les éléments extérieurs qu’il faut chercher à changer, mais nos pensées et nos croyances qui conditionnent en grande partie ce qui nous arrive. […] On ne progresse pas malgré les épreuves et les difficultés quotidiennes, mais grâce aux épreuves et aux difficultés quotidiennes. De la même manière que l’on passe d’un étage à un autre non pas à cause des marches, mais grâce à elles. Les obstacles sont des marches qui nous font monter. Ne soyons pas les victimes des événements extérieurs, mais leurs disciples. 

Où allons-nous ? Pour répondre à cela, il importe avant tout de faire un constat. Le monde va mal, pas seulement la France. Des innocent-e-s sont massacré-e-s en permanence de par le monde. La paix n’est pas un don, ni même un droit, mais bien un travail au quotidien, auquel nous nous devons tou-te-s d’œuvrer. Plus que jamais l’humanité doit s’efforcer de combattre et d’éradiquer l’ignorance. Pour cela, il est nécessaire de se questionner, de se remettre en cause, en sachant qu’il n’existe pas de vérité absolue, contrairement à ce qu’affirme toute forme de fanatisme religieux et de sectarisme. L’espoir de jours meilleurs est vain si nous n’essayons pas chaque jour de le nourrir, le faire grandir et le faire vivre. Un travail d’harmonisation spirituelle auquel s’est longuement attardé Frédéric Lenoir. Dans un style littéraire très accessible et imagé, l’auteur aborde en sept chapitres ce qui pour lui représente les sept clés de la sagesse. Il en est persuadé, on ne naît pas libre, on le devient :

Tout homme aspire à être libre et c’est là une grande et belle ambition, car que vaut la vie d’un prisonnier ou celle d’un esclave ? Il existe toutefois de nombreuses formes de prison ou de servitude. La plus subtile et la plus pernicieuse, celle que bien peu d’hommes considèrent et dénoncent, c’est la prison intérieure de l’homme esclave de lui même. 

La haine est un poison qui gangrène l’esprit et le cœur. Pour lutter contre ce fléau qui conduit inéluctablement à la dévastation, Frédéric Lenoir imagine avec beaucoup de poésie un discours universel, vierge, mais respectueux de tout système de croyances, athéisme compris. Un langage qui répand les valeurs de l’humanité (l’amour, la tolérance, le respect, le partage, etc.), dénuées de toute forme de dogme, d’ego et de hiérarchie. En ces temps où l’inquiétude et le pessimisme prennent le pas sur la joie de vivre, il est nécessaire de se forcer à une certaine forme de recul pour ne pas se sentir complètement dépassé. « Tout le chemin de la vie, c’est de passer de l’ignorance à la connaissance, de l’obscurité à la lumière, de l’esclavage des sens à la liberté de l’esprit, de l’inaccompli à l’accompli, de l’inconscience à la conscience, de la peur à l’amour », conclut Frédéric Lenoir. Des mots qui résonnent comme un cri d’amour et d’espoir venu des profondeurs de la terre.

 


* Toutes les citations proviennent de l’édition Pocket de L’âme du monde (2014) : p. 143, p. 120, et p. 73.


Image de une : Jung Lee, The End, 2010 © DR

 

L’Âme du monde Couverture du livre L’Âme du monde
Frédéric Lenoir
NiL
10/05/2012
216
6,70 €

Le vieux rabbin Salomon était assis dans sa cuisine quand il entendit une voix lui dire : « Va à Toulanka. » Il appela sa femme, Rachel, qui n'avait rien entendu. Il pensa avoir rêvé, mais la voix se fit de nouveau entendre : « Va à Toulanka, ne tarde pas. » Alors il se dit que Dieu lui avait peut-être parlé. Pourquoi lui ? Rabbi Schlomo, comme on l'appelait, était un homme plein d'humour et particulièrement ouvert d'esprit, appartenant au courant libéral du judaïsme. Il avait quitté New York quarante ans plus tôt, avec sa femme et ses quatre enfants, pour venir vivre à Jérusalem...